Après l'attentat de Strasbourg, une prise en charge médico-psychologique à plusieurs niveaux

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Publié le 07/01/2019
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Activées quelques minutes après l’attaque terroriste du marché de Noël de Strasbourg, le 11 décembre, les cellules d’urgence médico-psychologique (CUMP) ont effectué plus d’un millier de consultations – des premières heures après l’attentat jusqu’à Noël.

« Je m’apprêtais à rentrer chez moi lorsque des gens affolés sont entrés dans l’hôpital pour y trouver refuge en expliquant qu’une attaque venait de se produire », raconte le Pr Pierre Vidailhet, responsable des urgences psychiatriques au CHU de Strasbourg. Après les avoir mis à l’abri à la clinique, il s’est coordonné avec le Dr Dominique Mastelli, psychiatre, qui venait d’activer la CUMP 67 à la suite de l’appel du SAMU (lequel avait déjà installé un poste médical avancé dans les locaux de la chambre du commerce). « Nous y avons accueilli nos premiers patients, comme les épouses de deux des victimes, dont une touriste thaïlandaise ne parlant pas français », poursuit-il.

13 psychiatres immédiatement sur le pont

Le premier soir, 25 soignants, dont 13 psychiatres, ont assuré le fonctionnement de la cellule d'urgence, qui a reçu une centaine de personnes à la chambre de commerce, avant d’intégrer le centre d’accueil des familles (CAF) ouvert le lendemain. Bien que le nombre de victimes ait été inférieur à celui des attentats de Nice ou de Paris, le nombre de consultations médico-psychologiques a été proportionnellement beaucoup plus élevé à Strasbourg, souligne le Pr Vidailhet, sans pouvoir expliquer la raison du phénomène.

Cette affluence traduit sans doute une amélioration de l’organisation des prises en charge au fur et à mesure des expériences vécues, grâce à la structuration du réseau des CUMP. Celle du Bas-Rhin a ainsi été amenée à faire appel aux autres CUMP au niveau régional et même au-delà. Et dix centres spécialisés dans la prise en charge du psychotraumatisme ont été créés en France – dont un précisément à Strasbourg.

Des équipes mobiles de soutien

Dans les jours qui ont suivi l'attaque, la CUMP a aussi organisé des « postes d’urgence médico-psychologique mobiles » (PUMP) constitués de soignants et de médecins arpentant les rues où sont tombées les victimes mais aussi le quartier où le tireur fut abattu le 13 décembre. Cette activité itinérante a permis de repérer et d’aider de nombreuses personnes traumatisées qui n’avaient pas consulté spontanément.

De façon innovante, un poste mobile a également été mis à la disposition du personnel soignant de l’hôpital, en première ligne. De fait, les équipes de soins, trop souvent « oubliées » lors de tels événements, ont particulièrement apprécié cette initiative. De surcroît, tous les blessés hospitalisés ont bénéficié, avant leur sortie, d’une consultation médico-psychologique.

Du 12 au 18 décembre, le centre d'accueil des familles a permis d’offrir rapidement, sur un même lieu, des réponses juridiques, sociales et médico-psychologiques aux personnes concernées. Relocalisé et renommé « espace d’information et d’accompagnement », il dispose désormais de sept psychologues qui peuvent aider la population dans ses démarches. Il a reçu environ 700 visites la première semaine, et 300 personnes ont été réorientées vers la cellule d'urgence médico-psy.

Le rôle des soignants de tous les jours

En outre, des numéros directs ont été mis en place aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg (HUS) et aboutissent à la clinique psychiatrique, avec une ligne pour les adultes et une autre pour les enfants et adolescents. Fin décembre, le nombre d’appels et de demandes était toutefois en net recul par rapport aux semaines précédentes – mais le dispositif restera maintenu dans les semaines à venir.

Au-delà des dispositifs exceptionnels, certains médecins s’interrogent sur le rôle des soignants « quotidiens » face à de tels événements tragiques. Psychiatre libéral à Strasbourg, très engagé aux côtés des patients étrangers ou des migrants ayant été confrontés à des guerres, le Dr Georges Federmann explique que le terrorisme « plonge les habitants dans des événements qui, d’habitude, se produisent à quelques heures d’avion de chez eux ». Des événements auxquels personne n’est préparé. « Je souhaiterais que les généralistes et les psychiatres soient tous formés à la prise en charge médico-psychologique de la population et puissent se mettre immédiatement à sa disposition lors de tels événements, ce qui est loin d’être le cas actuellement », explique-t-il.

S’il juge les cellules d’urgence indispensables, il souligne que leur caractère exceptionnel ne peut répondre aux dommages à long terme du stress post-traumatique, qui peuvent se révéler des années plus tard.

 

 

 

De notre correspondant Denis Durand de Bousingen

Source : Le Quotidien du médecin: 9713