La culture de la réussite perceptible au travers des palmarès publiés sur les établissements fait l’impasse sur la surveillance médicale à l’école. Un domaine dans lequel, la France porte un bonnet d’âne. En moins de 10 ans, les effectifs ont fondu de 1 500 à 900 médecins scolaires chargés de veiller sur 12 millions d’élèves. Autant dire que la mission, depuis longtemps compliquée, est devenue quasi impossible, même à grand renfort d’infirmières scolaires qui ont investi les établissements.
Pièce maîtresse de la chaîne de soin
Deux récents rapports, l’un de l’Académie de médecine, l‘autre du Défenseur des droits Jacques Toubon, pointent du doigt la pénurie de médecins et le péril pour la santé scolaire. Un diagnostic partagé par le syndicat national des médecins scolaires et universitaires (SNMSU-UNSA Éducation) qui, cet automne, déplorait une attractivité insuffisante de cette spécialité médicale. Les médecins scolaires dépendant de la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) et de l’éducation nationale ne sont donc pas des personnels du ministère de la santé. Dans la majorité des académies, les rémunérations proposées variant de 2000 euros et jusqu’à 4 500 euros par mois, primes comprises en fin de carrière, ne seraient pas à la hauteur. Et les revalorisations demandées se font clairement attendre.
Des revendications face auxquelles le ministre Jean-Michel Blanquer ne fait pas la sourde oreille. Selon le ministre de l’éducation nationale, la médecine scolaire devrait bénéficier de 687 millions d’euros dès cette année, dont 95 % dédiés à la rémunération des personnels. Pour combler « les trous », des médecins libéraux ou bien encore les premiers bataillons de la réserve sanitaires pourraient même être mobilisés. « Le service sanitaire a vocation à prendre part à certaines missions et nous rendrons service aux enfants en mettant fin au manque de coordination actuel, qui se traduit par un travail en silo, » commentait Agnès Buzyn devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée début février. Car la santé des plus jeunes se trouve au centre de sa stratégie nationale de santé dévoilée le 20 décembre dernier.
Les médecins scolaires sont bien naturellement en première ligne en matière de promotion à la santé, de prévention. Ils sont aussi des experts incontournables sur le terrain pour développer et donner vie aux « priorités spécifiques de la politique de l’enfant, de l’adolescent et du jeune », ce cinquième axe de la stratégie nationale de santé à déployer dès cette année. Dans ces conditions, les médecins scolaires deviennent l’une des pièces maîtresses de la chaîne de soin.
ARS, rectorat : même combat
Pour améliorer le parcours d’éducation à la santé, le ministère de la Santé envisagerait aussi « d’obliger chaque ARS à contractualiser avec le rectorat afin que ce parcours s’applique de façon plus homogène dans les territoires. » Une direction plus volontariste que la situation actuelle qui repose sur le bon vouloir des proviseurs et des directeurs d’école. Ensuite, les nouveaux programmes scolaires qui ont été rédigés depuis 2012 prévoient déjà plusieurs mesures en matière d’éducation à la santé. Agnès Buzyn qui se souvient avoir été un temps, membre du Conseil supérieur des programmes, avait participé à leur élaboration prévoyant déjà la possibilité d’offrir une éducation à l’hygiène en maternelle, une éducation à l’alimentation à l’école primaire et enfin, au collège, des enseignements en sciences et vie de la terre et en éducation physique et sportive, appréhendée comme une source de bien-être et non de compétition.
Pour commencer, pas question de négliger cette visite médicale à six ans. Le Conseil économique et social (CESE), qui a adopté mi-mars un avis intitulé « Pour des élèves en meilleure santé », rappelle combien « le suivi sanitaire des élèves en France est insuffisant ». Il faut « assurer l'effectivité de la visite médicale de la sixième année, ce qui est loin d'être le cas pour le moment », préconise le CESE. Précisant que, d'après l'Éducation nationale, seuls 71 % d'élèves de six ans bénéficient de cette visite, « un chiffre qui varie considérablement selon les départements ».
Mais cette priorité se heurte à une très grande difficulté de recrutement de médecins scolaires. Alors que le premier concours de l’année vient d’être organisé par le ministère de l’Éducation nationale, les candidats ne se bousculent pas. On compte désormais un médecin scolaire pour 9 000 élèves en moyenne et la coordination entre infirmières, médecins et travailleurs sociaux des collectivités ne semble pas si évidente sur le terrain butterait sur l’absence de partage d’informations entre les différents acteurs au moment de construire de nouveaux parcours.
L’annonce de mesures dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes vise précisément à renforcer la pluriprofessionnalité et faire travailler les acteurs en réseau, tant au sein de l’école qu’à l’extérieur. Le ministère de la Santé envisage par exemple de contractualiser avec les maisons de santé et les centres de santé pour intervenir dans les écoles afin de compenser aussi en partie, le manque de médecins scolaires. Des solutions aussi diverses que variées sont aujourd’hui envisagées pour pallier à cette pénurie de spécialistes. Un virage à bien négocier pour que le parcours scolaire offre une porte d’entrée supplémentaire au parcours de soins.
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