LE QUOTIDIEN : Quels sont les objectifs de la médecine des situations sanitaires exceptionnelles (SSE) ?
Pr PIERRE-YVES GUEUGNIAUD : Elle a dû totalement évoluer ces quinze ou vingt dernières années, devant des risques multiples et complexes associés aux attentats, aux catastrophes technologiques comme les accidents de transport, aux phénomènes naturels ou aux maladies émergentes comme Ebola ou le coronavirus. Tous les urgentistes sont partie prenante dans cette problématique, quels que soient leur mode ou leur lieu d’exercice, mais elle concerne aussi les autres soignants travaillant dans les pathologies aiguës comme la traumatologie.
Nous devons savoir anticiper afin d’être capables de faire face à une situation imprévisible, d’où l’organisation de plans de secours. Ils ont bien évolué depuis le plan Orsec (organisation des secours, devenu organisation de la réponse de sécurité civile), avec désormais le plan Orsec Novi (nombreuses victimes), décliné en diverses versions, alpha pour les attentats par armes de guerre, par exemple. Parallèlement à ces plans de secours préhospitaliers, on a développé des plans intrahospitaliers comme le plan blanc Orsan (organisation de la réponse du système de santé en SSE) ou le plan Orsan Amavi (accueil massif de victimes). Ces dispositifs sont complémentaires, et permettent de préparer le système de santé à répondre aux crises. Sur la base de ces plans, on organise partout en France des exercices sur le terrain en collaboration avec les différents organes concernés (pompiers, police, gendarmerie, armée…).
Comment forme-t-on les personnels de santé ?
Tous les urgentistes doivent être formés aux SSE. Au-delà des formations classiques comme la capacité de médecine de catastrophe, il existe un DES de médecine d’urgence, créé en 2017, qui intègre la médecine des SSE dans son cursus, et un DU de médecine en situation de catastrophe pour les autres professionnels de santé. Tous les spécialistes concernés par la prise en charge de pathologies aiguës, en particulier traumatologiques, ont l’obligation de se former et d’intégrer les plans de secours intrahospitaliers (anesthésistes-réanimateurs, chirurgiens, et plus généralement tout praticien hospitalier amené à participer à un « plan blanc »).
Sous l’égide des différents ministères concernés, Santé, Intérieur et Défense, les autorités de tutelle ont développé des formations, au damage control par exemple, avec la collaboration des médecins militaires afin d’appliquer au niveau civil leur pratique sur terrain de guerre.
Comment ces plans s’articulent-ils au niveau régional ?
Il existe déjà sur le plan national des recommandations, et un vade-mecum va être publié dans les semaines qui viennent sur les attentats collectifs par armes de guerre, corédigé par le Conseil national de l’urgence hospitalière et le service de santé des armées. La formation nationale au damage control proposée fin 2015 s’est développée au niveau régional en collaboration avec les sociétés savantes concernées, en particulier la SFMU, et sous l’égide des ARS. Cette formation de deux jours concerne les soignants des Samu/Smur, les médecins urgentistes, les anesthésistes-réanimateurs, les chirurgiens, des responsables paramédicaux, mais aussi des responsables administratifs.
Quelles sont les évolutions à prévoir ?
Nous devons continuer à évoluer, en particulier pour aller vers des formations plus spécifiques, notamment pédiatriques, afin de préparer médecins et chirurgiens à la prise en charge de nombreux enfants dans le cadre d’un attentat. Une de nos priorités est aussi de travailler sur le risque NRBCE, et de préparer nos équipes au déploiement de protections et de matériels de traitements spécifiques. Au-delà du surattentat, qu’il est toujours nécessaire d’anticiper lors de chaque événement terroriste, la crainte est toujours de devoir affronter un nouveau risque, imposant aux professionnels de la santé de savoir s’adapter à chacune des situations auxquelles ils pourraient être confrontés.
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