La visite à domicile

Un enjeu de santé publique

Par
Publié le 30/04/2018
Article réservé aux abonnés
visite a dom

visite a dom
Crédit photo : PHANIE

Puisqu'elle concerne principalement les patients en perte d’autonomie, la visite à domicile se place comme une alternative à l’hospitalisation. Elle est nécessaire au suivi des personnes atteintes de pathologies lourdes, ayant subi des traumatismes, des chirurgies, des chimiothérapies. Elle permet, en outre, le suivi des grossesses pathologiques, des suites de grossesse, des soins palliatifs… Quant aux urgences, réelles ou ressenties comme telles par les patients, elles peuvent également prétendre, dans certains cas, à une prise en charge au chevet du malade. « La visite à domicile est une plus-value : elle permet évaluer l’autonomie, l’entourage, l’environnement géographique et le mode de vie du patient », souligne le Pr Serge Gilberg, médecin généraliste à Paris, membre du Collège de la médecine générale.

Une pratique en constante diminution

En 2016, d’après les données de la CNAMTS, 24,5 millions de visites médicales ont été effectuées à domicile, dont 43 274 visites longues, 142 000 comptabilisées dans le cadre de la majoration pour sortie d’hôpital, et 18 155 majorations pour insuffisants cardiaques. « Des données à mettre en regard des 253,75 millions de consultations annuelles effectuées par les généralistes », souligne le Pr Gilberg. Depuis près de quarante ans, le nombre de visites à domicile est en constante diminution : en 1980, 38 % des actes médicaux étaient réalisés à domicile ; en 2000, ce taux n’était que de 25 %, et aujourd’hui il a chuté à 8,9 %. « En cause, l’amélioration des moyens de communication, la maîtrise des infections, le développement des consultations sur rendez-vous, et le recours plus important aux urgences hospitalières », assure le Pr Gilberg. 96 % des médecins généralistes effectuent des visites à domicile, et 65 % en font plus de 150 par an. Les régions où la densité médicale est faible, le centre de la France, notamment, et celles où les déplacements sont plus difficiles, la Haute-Savoie, par exemple, sont moins bien loties. À l’inverse, celles où le taux de population de plus de 80 ans est important (la Corse, le Cantal…) bénéficient d’un nombre plus important de visites.

Un périmètre à redéfinir

Sur plus de 16 millions de visites faites chaque année en France pour les patients en ALD, 10 millions le sont pour les plus de 80 ans, et près de 3 millions pour les plus de 70 ans. « Et, des 8 millions de visites annuelles concernant les patients qui n’ont pas d’ALD, les plus de 80 ans représentent 3,3 millions. Enfin, les plus jeunes (15-39 ans et 40-59 ans) bénéficient d’un nombre de visites plus important que ceux des mêmes tranches d’âge en ALD. Il faudrait donc, à l’avenir, se pencher sur les visites à domicile des patients jeunes sans ALD afin de déterminer celles qui sont vraiment utiles », suggère le Pr Gilberg.

D’autres questions se posent pour les années à venir : Les généralistes devront-ils déléguer une partie de leurs visites à domicile à d’autres professionnels de santé ? Comment éviter les visites inutiles ou de confort ? Comment préciser le périmètre des visites indispensables ? « Nous souhaitons également interpeller les pouvoirs publics et les syndicats pour que soit précisé le rôle du généraliste dans le suivi à domicile des malades chroniques en perte d’autonomie, et prévue une rémunération adaptée, à la hauteur de ces cas spécifiques », conclut le Pr Gilberg.

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du médecin: 9661