La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a examiné, mercredi à Strasbourg, la requête présentée par la famille de Vincent Lambert pour empêcher l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation artificielles de ce dernier, tétraplégique et totalement dépendant depuis 2008. La Grande Chambre de la CEDH, composée de 17 juges européens et présidée par le juge luxembourgeois David Spielmann, ne prononcera son arrêt que d’ici à un à deux mois : celui-ci, quelle que soit sa teneur, aura des conséquentes importantes pour les législations françaises et européennes sur la fin de vie.
Plaidoirie des différentes parties
Par définition, la CEDH ne se prononce que sur des cas de violation de la Convention européenne des droits de l’homme, qui s’applique sans restriction dans tous les pays membres du Conseil de l’Europe. L’audience s’est déroulée dans une ambiance tendue, la famille de Vincent Lambert faisant face aux représentants du gouvernement, à raison d’une demi-heure de plaidoirie pour chaque partie, suivie de quelques questions et compléments.
Selon les parents de Vincent Lambert, l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation de Vincent Lambert viole l’article 2 de la Convention, qui garantit le droit à la vie, et constitue aussi un « mauvais traitement et une torture » prohibés par l’article 3 du même texte. De plus, ils invoquent les articles 6 et 8 de la Convention portant sur le droit à la vie privée et familiale, et le droit à un procès équitable. La Cour a décidé de traiter cette affaire en priorité, ce qui a permis de raccourcir les délais d’ordinaire extrêmement longs avant l’étude de ces dossiers. Lors de l’audience, l’avocat des parents de Vincent Lambert a rappelé la justesse de leur requête, et estimé que « Vincent va très bien et est apaisé ».
L’avocate de ses frères et sœurs, qui réclament au contraire l’application de la loi Leonetti à son profit, souligne qu’il n’aurait jamais souhaité mener une telle existence et considère qu’aucun article de la Convention n’a été violé dans cette affaire. Elle a plaidé pour qu’après « des années d’acharnement judiciaire et thérapeutique, on laisse enfin partir Vincent dignement ». Les interventions ont porté ensuite sur l’interprétation de l’article 2 sur le droit à la vie, et sur l’expression du consentement. Le représentant de son épouse a rappelé que, pour celle-ci, « laisser partir Vincent est la dernière preuve d’amour qu’elle peut lui donner ». À l’exception du juge maltais qui s’est interrogé sur les aspects éthiques de la nutrition artificielle, aucun juge européen n’a participé au débat, conclu par les représentants du gouvernement et des requérants.
Décision sans appel dans 2 mois
Les arrêts de la CEDH sont sans appel et font jurisprudence. Ce n’est pas la première fois que la Cour est saisie de dossiers relatifs à la fin de vie, à l’image de l’affaire Diane Pretty, une jeune Britannique atteinte d’une sclérose latérale amyotrophique qui réclamait au nom du « droit à une vie décente » l’autorisation de demander à son mari de mettre fin à ses jours en le protégeant de poursuites pénales. La Cour avait alors, en 2002, confirmé le refus exprimé par le Royaume-Uni, pour qui le suicide assisté s’assimile à un meurtre. Toutefois, si la Cour a toujours rejeté l’« euthanasie active », elle ne s’est pas encore prononcée spécifiquement sur l’arrêt des traitements lorsqu’ils ont pour conséquence d’entraîner la mort.
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