Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l’homme : avec 62 245 nouveaux cas estimés en 2005 à partir des données des registres du réseau FRANCIM et du CepiDC, il représentait 34 % de l’ensemble des cancers incidents (taux d’incidence standardisé de 121,2 pour 100 000 personnes années) (2). L’incidence du cancer de la prostate a connu une forte augmentation depuis 1980, en raison de l’effet combiné du vieillissement de la population, de l’amélioration des moyens diagnostiques et de la diffusion du dépistage individuel par dosage du PSA (+6,3 % par an entre 1980 et 2005 et +8,5 % par an entre 2000 et 2005). La mortalité par cancer de la prostate a quant à elle diminué depuis 1990, cette diminution étant plus importante sur la période 2000-2005 (–2,5% par an). Cette réduction faible mais constante de la mortalité peut être mise en rapport avec l’amélioration des conditions de prise en charge (amélioration de l’efficacité des traitements et diagnostic à un stade plus précoce) (2).
LE DÉPISTAGE DIMINUE LA MORTALITÉ DE 50 %
Une étude suédoise parue dans le Lancet en juillet 2010 (1), vient de répondre favorablement à la question du dépistage systématique du cancer de la prostate à partir de 50 ans chez tous les hommes. Dans ce travail réalisé chez 20 000 hommes, les auteurs ont comparé un groupe « dépistage du cancer de la prostate » tous les deux ans par le PSA et un groupe « contrôle sans dépistage » et les résultats montrent qu’avec un taux de participation important (76 %) et un suivi de 14 ans, le dépistage systématique réduit la mortalité du cancer de la prostate de 50 %.
En fait, les études réalisées jusqu’à présent n’avaient pas un suivi assez long pour mettre en évidence cette réduction importante de la mortalité. En outre, la moitié des décès par cancer de la prostate (CaP) dans le groupe « dépistage » est survenue chez des hommes qui ont bénéficié du dépistage relativement tardivement puisque lors du premier examen, ils étaient âgés de 60 ans et plus. Pour les auteurs, ceci signifie que la réduction de la mortalité pourrait être encore plus importante si le dépistage est réalisé à partir de 50 ans, les cancers dépistés sont alors peu évolués et plus facilement curables. En effet 89 % des cancers diagnostiqués dans le groupe dépistage sont à faible risque d’évolution contre 62 % dans le groupe contrôle. Pour les auteurs, le dépistage ne paraît plus intéressant après 70 ans.
= Cette étude montre également qu’une surveillance active initiale est possible dans 44 % des cas après le diagnostic car le cancer est peu agressif. Cette surveillance active n’est suivie d’aucun traitement dans 29 % des cas.
=Au total, pour le Pr François Desgrandchamps, cette étude apporte deux réponses essentielles, le dépistage du cancer de la prostate « sauve des vies et n’entraîne pas de surtraitement. »
Dans ce travail, il faut dépister 293 hommes pour éviter un décès. Ce chiffre est inférieur à celui du dépistage du cancer du sein où il faut dépister 1 339 femmes âgées de 50 à 59 ans pour éviter un décès(3).
RECOMMANDATIONS FRANÇAISES SUR LE DÉPISTAGE
Aujourd’hui, aucun pays au monde n’a mis en place de programme de dépistage organisé du CaP.
La HAS propose un dépistage individuel
-› Récemment, en mai 2010, la HAS a procédé à l’analyse des études très attendues PLCO (Prostate, Lung, Colorectal and Ovarian Cancer Screening Trial) et ERSPC (European Randomized study of Screening for Prostate Cancer) parues en mars 2009 pour l’éclairage qu’elles devaient apporter à la décision de dépistage généralisé par le PSA. Au vu de ces travaux, la HAS reste campée sur ses positions de 2004 et de 1999 (2). Et donc « considère qu’aucun élément scientifique nouveau n’est de nature à justifier la réévaluation de l’opportunité de la mise en place d’un programme de dépistage systématique du cancer de la prostate par dosage du PSA. Elle rappelle, dans ces conditions, les recommandations publiées par l’Anaes en 1999 et 2004 considérant que « les connaissances actuelles ne permettent pas de recommander un dépistage de masse du cancer de la prostate » par dosage du PSA et propose que soit étudiée l’inscription au programme de travail de la HAS de l’élaboration de la démarche diagnostique. »
Dès 2004 toutefois, la HAS percevait sur des arguments indirects qu’une démarche de dépistage individuel , non systématisée, pourrait dans certains cas apporter un bénéfice individuel au patient. En effet :
• il existe des facteurs de risque potentiels ;
• il existe un test de diagnostic précoce ;
• la réalisation du dépistage peut, s’il est négatif, rassurer les hommes ayant des
facteurs de risque (antécédents familiaux de CaP et/ou origine afro-antillaise) ;
• un traitement curatif pourrait augmenter la survie spécifique et dans certains cas
améliorer le pronostic individuel.
Lorsque la démarche est envisagée, la décision doit être partagée avec la personne qui
consulte. Elle relève de son appréciation individuelle en fonction notamment de son anxiété et de son aversion pour le risque. Cette décision doit être éclairée par une information claire, objective et hiérarchisée non seulement sur les bénéfices potentiels escomptés mais également les risques auxquels pourrait l’exposer ce choix, notamment en termes d’effets indésirables et de qualité de vie. La HAS réaffirme la primauté de l’information orale et considère qu’il est utile qu’une information écrite soit communiquée au patient afin de l’aider dans sa réflexion.
L’AFU prône le dépistage généralisé en fonction de l’âge
Depuis 2003, l’Association Française d’Urologie (AFU) recommande un dépistage annuel par toucher rectal et dosage du PSA, à partir de 50 ans et jusqu’à l’âge de 75 ans (14).
En septembre 2009, l’AFU a proposé la mise en œuvre d’un dépistage « modulé » en
fonction de l’âge (5) :
- de 45 à 54 ans, dépistage organisé pour les groupes à risque (antécédents familiaux, origine africaine ou antillaise) ;
- de 55 à 69 ans, dépistage organisé annuel si le PSA est supérieur à 1 ng/ml, tous les 3 ans si le PSA est inférieur à 1 ng/ml ;
- de 70 à 75 ans, dépistage individuel proposé au patient, qui doit être informé de la maladie, de ses traitements et de leurs effets indésirables ;
- après 75 ans, le dépistage n’est pas recommandé, l’espérance de vie devenant trop réduite.
Qui sont les sujets à risque ?
Les hommes de peau noire ont un risque de cancer de la prostate multiplié par 1,4 et le cancer est plus agressif. Lorsqu’un père ou un frère a eu un cancer prostatique, le risque est multiplié par 2,25 pour la parenté du premier degré. Dans ces cas, le dépistage devrait débuter à 45 ans.
QUAND PROPOSER UNE BIOPSIE ?
Le dépistage précoce du cancer de la prostate repose sur le dosage du PSA total et sur le toucher rectal (environ 15 % des cancers de la prostate sont suspectés sur une anomalie du toucher rectal en l’absence d’élévation du PSA) (10). Le diagnostic est établi sur les biopsies, le risque évolutif repose sur la valeur du PSA, le stade au toucher rectal et le score de Gleason. Pour les cancers à risque évolutif faible (score de Gleason < 6), le risque de décès par cancer de la prostate à 10 ans après traitement est de 1 à 2 %, pour le risque intermédiaire (score de Gleason=7), il est de 4 à 10 %, et pour le haut risque (score de Gleason › 7), il est de 10 à 25 % (6). Définir une valeur seuil du PSA qui entraîne une biopsie n’est pas simple. En effet, il n’existe pas de valeur seuil sous laquelle il n’y a aucun risque de cancer, le dosage du PSA ne doit pas être considéré comme un test normal ou anormal ; sa valeur est corrélée au risque de présence d’un CaP et ua pronostic de ce cancer.
Plus le PSA est bas et plus le risque de cancer est faible. Il est ainsi plus faible pour un PSA compris entre 3 et 4 ng/ml et encore plus faible en dessous de 3 ng/ml. Mais, 22 % des hommes ayant un TR normal et un taux de PSA entre 2,6 et 4 ng/ml ont un cancer (qui est localisé dans 81 % des cas) et un PSA situé entre 0,7 et 2,5 ng/ml multiplie le risque de cancer par 14 comparé à un taux < 0,7 ng/ml. Enfin, pour un seuil à 0,5 ng/ml, après un suivi médian de 18 ans de 21 277 hommes, on détecte encore 2 % de cancers (n= 462) (13).
-› À ce jour, le seuil de déclenchement de la biopsie se situe à 3 ou 4 ng/ml selon l’âge. Laquelle n’est donc réalisée qu’après information du patient sur les conditions de la biopsie et la prise en charge ultérieure. Pour de nombreux urologues et pour le Pr Desgrandchamps, une biopsie devrait être réalisée lorsque le PSA est ≥ 2,5 ng/ml, puisque 20 % des hommes dépistés ont un cancer de la prostate pour ce taux.
-› Par ailleurs, les dosages du PSA devraient être effectués dans le même laboratoire en raison des différences de méthodes de dosages. Il faut rappeler que le PSA est divisé par 2 par les inhibiteurs de la 5?-réductase (finastéride et dutastéride).
-› La vélocité d’augmentation du PSA (au moins 3 mesures sur 2 ans) a été proposée pour préciser le diagnostic. En pratique, la vélocité du PSA n’apporte pas d’élément diagnostique supplémentaire par rapport au PSA total, elle est plutôt un indicateur pronostique. Ainsi, pour un PSA total entre 4 et 10 ng/ml, lorsque la vélocité dépasse 0,75 ng/ml/an, la sensibilité diagnostique est de 79 % et la spécificité de 92 %. Mais, pour les PSA < 4 ng/ml, la sensibilité chute à 11 % et la spécificité est de 93 % (SOURCES ???). Face à l’incertitude, la tendance actuelle est de développer des logiciels qui permettent de déterminer plus précisément le risque de cancer de chaque individu, en prenant en compte outre le PSA, les autres facteurs de risque : âge, ethnie, toucher rectal, volume de la prostate, biopsies antérieures ou non, antécédents familiaux, vélocité du PSA. L’analyse statistique de l’ensemble de ces éléments guide la décision (surveillance active, biopsie, intervention). La découverte de marqueurs, reflétant la présence et l´agressivité de la tumeur avant même qu´elle ne se développe suffisamment pour être biopsiable, sera la réponse tant attendue à toutes les questions actuelles.
-› Le dosage du PSA libre n’est pas recommandé en première intention (à préciser sur l’ordonnance uniquement PSA total). Il oriente l’indication de biopsies ou de « rebiopsies », en cas de ratio libre/total < 20 % lorsque le PSA se situe entre 4 et 10 ng/mL. Il n’a aucun intérêt dans le suivi du cancer traité.
A QUEL RYTHME VERIFIER LE PSA ?
Selon la branche suédoise de l’étude ERSPC, avec un dépistage réalisé sur 7 578 hommes, tous les 2 ans, et un suivi moyen de 13 ans, 45 cancers d’intervalle ont été observés (8), ce qui amène à penser qu’un dosage du PSA tous les 2 ans semble acceptable.
QUAND PRATIQUER UNE BIOPSIE ?
Une biopsie est pratiquée en cas de PSA élevé ou d’un toucher rectal anormal, pour les hommes dont l’espérance de vie est supérieure à 10 ans. 12 biopsies guidées par échographie transrectale (6 dans chaque lobe) sont recommandées. Une biopsie négative n’élimine pas le diagnostic de cancer de la prostate.
Une biopsie additionnelle ou rebiopsie peut être nécessaire lorsque la première biopsie est négative et que le doute persiste. Jusqu’à 30 % des patients ayant eu une première biopsie négative, ont un cancer détecté sur la seconde biopsie(9).
La biopsie de saturation est une nouvelle méthode qui consiste à réaliser un grand nombre de biopsies (au moins 20 prélèvements) pour augmenter la sensibilité diagnostique. Elle est indiquée devant une progression du taux de PSA après plusieurs biopsies prostatiques négatives. Sa supériorité diagnostique est sujette à débat.
LA SURVEILLANCE ACTIVE, UNE OPTION THERAPEUTIQUE
Les études de cohortes de patients atteints d’un cancer de prostate localisé non traité ont montré que la survie globale est excellente quand le score de Gleason est < 7. Après 20 ans de recul, la survie spécifique de ces patients est comprise entre 70 % et90 %.
C’est pourquoi, le traitement des cancers localisés de la prostate n’est plus systématique. Le risque de décès des cancers ayant une évolution très lente (cancers latents) est en effet inférieur au risque de décès lié à autre cause. Afin de diminuer le nombre de traitements inutiles et d’épargner aux patients leurs éventuels effets secondaires, une surveillance active peut ainsi être proposée pour les cancers peu agressifs. Cette surveillance active est proposée aux patients ayant un cancer localisé, et un score de Gleason ≤ à 6 et lorsque le PSA est ≤ 10 ng/ml. Cette situation concerne environ la moitié des patients actuellement diagnostiqués avec un cancer de la prostate(4).
L’étude de L. Klotz au Canada (4) qui a inclus 450 patients sert de référence à la surveillance active. Après un suivi médian de 6,8 années de surveillance active, la survie globale est de 78,6 %. Et la survie spécifique dépasse 99 %. Au cours du suivi, 30 % des patients initialement classés comme ayant un cancer à faible risque d’évolution ont été reclassifiés comme ayant un cancer à haut risque. La surveillance active consiste à doser le PSA tous les 3 mois pendant deux ans, puis tous les 6 mois si le PSA est resté stable. Des biopsies sont effectuées 1 an après les premières, puis tous les 3 à 4 ans. Une prostatectomie radicale est proposée si le taux de PSA double en moins de 3 ans, si le score de Gleason dépasse 6 ou si le patient le demande. Dans l’étude Klotz, après 10 ans de suivi, un traitement curatif a été proposé à 38 % des patients bénéficiant de la surveillance active et 5 patients sont décédés de leur cancer de la prostate sur les 453 inclus.
PEUT-ON PREVENIR LE CANCER DE LA PROSTATE ?
La prévention médicamenteuse du cancer de la prostate est possible, plusieurs études cliniques l’ont démontré. L’étude PCPT (10) qui a suivi plus 18 000 hommes, âgés d’au moins 55 ans, ayant un PSA < 3 ng/ml a démontré que le finastéride à la dose de 5 mg/j réduit le risque de cancer prostatique de 25 % par rapport au placebo. Cependant, l’étude a également mis en évidence une augmentation des tumeurs de haut grade sous finastéride. L’étude Reduce (11), réalisée sur plus de 8 000 hommes (PSA élevé mais biopsie normale) avec le dutastéride montre qu’il réduit le risque de survenue du cancer prostatique de 23 % en 4 ans en comparaison du placebo, sans augmentation des cancers de haut grade. Les effets secondaires sexuels sont rares mais significativement plus fréquents sous dutastéride. Aucune AMM n’a été délivrée jusqu’à présent dans cette indication.
La prévention alimentaire est un autre enjeu lorsque l’on sait que le cancer de la prostate en Amérique du nord est 25 fois plus fréquent qu’en Inde et 35 fois plus fréquent qu’au Japon et que l’incidence du KP augmente quand ces populations migrent vers l’occident.
L’étude SELECT (12) qui a inclus 35 533 hommes n’a montré aucun effet significatif d’une supplémentation en vitamine E ou en sélénium, seule ou en association. Pour la vitamine C la conclusion est identique.
Pour l’Inca 3 % des cancers de l’homme sont attribuables au surpoids et à l’obésité, le risque de cancer est minimal pour les IMC situés entre 18,5 et 25 kg/m2.
L’effet protecteur du lycopène est discuté, mais il existe plus d’études concluant à un effet protecteur que l’inverse. Le lycopène freinerait le développement du cancer de la prostate et cet effet serait plus prononcé à des stades de cancer plus avancés. « La dose efficace doit être élevée » précise le Pr Desgrandchamps qui mène actuellement une étude à la dose de 30 mg de lycopène pur, qui a démontré son efficacité en entrainant une baisse du PSA et une diminution de l’agressivité du cancer.
Une étude de phase 2 a montré que le jus de grenade est également utile. En effet, la vitesse de progression du PSA est fortement réduite dans le groupe grenade par rapport au groupe placebo, après un traitement à visée curative chez des patients ayant un cancer de la prostate en récidive biologique (12).
En revanche, les apports élevés en calcium (› 1g/jour) liés à une forte consommation de produits laitiers ne sont pas protecteurs. Ils sont en effet associés à une augmentation du risque de KP.
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