Sémiologie

QUELLE EST CETTE TOUX ?

Publié le 24/10/2014
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La toux est un symptôme à la fois si fréquent et si peu spécifique que seule une étude sémiologique fine et rigoureuse permet de conduire le diagnostic étiologique. La période des épidémies automno-hivernales est l’occasion pour nous de revoir ces éléments cliniques.

LES TOUX AIGUËS (3 semaines)

› En contexte épidémique, les rhinopharyngites sont la principale cause de toux aiguë, associée à des douleurs pharyngées, une rhinorrhée et/ou obstruction nasale, éternuements. La fièvre est inconstante.

›Les bronchites causent une toux souvent biphasique (sèche puis grasse) pendant 5-10 jours, avec râles et douleurs bronchiques. Elles sont volontiers suivies de toux « post-infectieuse », pouvant durer 1 à 2 mois.

›Les pneumopathies s’expriment rarement par une toux isolée. Le tableau est bruyant en cas d’infection à pneumocoque : début brutal, fièvre élevée, altération marquée de l’état général, parfois douleur thoracique avec expectoration rouillée. La symptomatologie est moins marquée en cas de germe atypique, fréquemment associée à des symptômes ORL et extra-respiratoires : rash, hépato-splénomégalie, arthromyalgies.

› Une toux sèche, quinteuse, émétisante et irrépressible, sans tendance à l’amélioration, en contexte de contage doit rapidement faire évoquer une coqueluche.

›Une toux sèche, aux changements de position, avec douleur basithoracique en « point de côté », majorée par l'inspiration ou l’inhibant, est évocatrice d’une atteinte pleurale.

›Attention à ne pas méconnaître une toux d’origine cardiaque, associée à une expectoration séreuse, orthopnée, prise de poids avec œdèmes des membres inférieurs, râles crépitants (parfois sibilants), tachyarythmie. La survenue au décubitus ou à l’effort doit alerter.

›Enfin, suite à une exposition environnementale, un patient peut présenter une réaction d’hypersensibilité immédiate où la toux est sèche et spastique, volontiers nocturne, sur un terrain atopique. Elle est facilement distinguée d’une toux post-inhalation aiguë de gaz, fumées ou vapeurs irritantes. Le tableau est alors soit celui d’un OAP lésionnel, soit celui d’un syndrome d’irritation des bronches (RADS : Reactive Airways Dysfunction Syndrome) avec symptômes asthmatiformes persistant au moins 3 mois.

LES TOUX CHRONIQUES (› 6-8 semaines)

L’exposition active et passive au tabac (+/- cannabis) est la première cause de toux chronique qui disparaîtra généralement en 2 à 3 semaines après le sevrage.

› Chez un patient non-fumeur immunocompétent consultant en médecine générale, quatre étiologies, parfois combinées, dominent.

La toux par écoulement pharyngé postérieur peut se limiter à un « hemmage » (raclement de gorge) ou une toux sèche matinale. Le patient rapporte une gêne pharyngée, une congestion nasale ou rhinorrhée, à rechercher sur la paroi postérieure de l’oropharynx.

• La toux liée au reflux gastro-œsophagien peut-être facile à évoquer devant une toux post-prandiale posturale (décubitus, antéflexion du tronc) avec pyrosis et enrouement matinal chez un patient obèse. Cependant, 50 à 75 % des personnes dont la toux est liée à RGO n’ont aucun symptôme. À noter que 5 à 6 semaines d’IPP sont nécessaires pour faire disparaître la toux.

• Si la toux peut aisément être reliée à un asthme, allergique ou non, devant des épisodes stéréotypés oppression thoracique, wheezing, dyspnée, la toux peut en être l’unique symptôme (6,5-57 % des cas). Cette « toux équivalent d’asthme » est sèche, spasmodique déclenchée par l'effort, le rire, le froid, le brouillard...

• Enfin, la toux iatrogène, sous IEC (8-15 %), mais également sous ß-bloquants et sartans (3 %), ne débute pas forcément au moment de l’introduction du médicament, est indépendante de sa dose, et disparaît en 4-6 semaines après son éviction.

› Une toux chronique sur un terrain atopique, déclenchée par des circonstances reproductibles (saison pollinique, lieux humides riches en acariens…), nocturne ou matinale, évoque une inflammation bronchique et/ou nasale allergique. Un jetage postérieur est alors fréquemment retrouvé.

› Chez le fumeur, une toux productive, au moins 3 mois/an sur 2 années consécutives définit une bronchite chronique. La toux ramène une expectoration muqueuse matinale. Des expectorations abondantes (mucosités) purulentes et des infections respiratoires à répétition évoquent plutôt une dilatation des bronches.

› Le cancer bronchique, chez un sujet à risque (tabac, amiante, silice…), peut être révélé par une toux sèche volontiers nocturne, une hémoptysie fréquemment une altération de l’état général.

› Les crépitants secs « velcro » évoquent une pneumopathie interstitielle dans le cadre d’une maladie de système (sarcoïdose…) ou d’une pneumoconiose en contexte professionnel. La toux, parfois quinteuse, spontanée ou favorisée par l’effort/l’inspiration profonde, peut s’associer à des signes extra-respiratoires : hippocratisme digital, altération de l’état général, adénopathies, syndrome sec…

› Enfin, la toux psychogène, diagnostic d’élimination, est sèche et bruyante, parfois avec un timbre animal (goose honk cough, barking cough…), et disparaît généralement la nuit. Plus fréquente chez l’enfant et l’adolescent, elle peut créer un authentique cercle vicieux toux-irritation-toux.

Julie Van Den Broucke (médecin généraliste, Paris) avec le Pr Jean-Charles Dalphin (PU-PH, Service de Pneumologie, CHRU de Besançon, Hôpital Jean Minjoz, et membre du Collège des Enseignants de Pneumologie)

Source : Le Généraliste: 2696