Dépassements abusifs à l’hôpital

2 000 praticiens sous l’œil de la CNAM

Publié le 27/02/2012
Article réservé aux abonnés
1330333693327160_IMG_78227_HR.jpg

1330333693327160_IMG_78227_HR.jpg
Crédit photo : S TOUBON

UN AN D’ENQUÊTE a été nécessaire. " 60 millions de consommateurs " publie dans son numéro de mars des chiffres qui secouent le milieu médical. Le magazine détaille la fourchette des dépassements réalisés par les praticiens dans le cadre de leur activité libérale à l’hôpital. Ces PH ne sont pas nombreux. Sur les 45 000 médecins du public, 4 524 exerçaient une activité libérale en 2010. Et seuls 1 824 ont opté pour le secteur 2. Mais ces derniers fixent parfois des honoraires abusifs. L’association de consommateurs révèle ainsi que le dépassement moyen oscille entre 68 % et 408 % du tarif conventionnel. Illustration : la prothèse de hanche, remboursée par la sécurité sociale 460 euros, peut être facturée jusqu’à 5 000 euros à Paris. Une opération de la cataracte, prise en charge 272 euros, coûte entre 567 euros au CHU de Toulouse et 1 490 euros à l’Hôtel-Dieu à Paris. Ces prix dépassent ceux des cliniques privées (de 511 à 777 euros pour la cataracte) et peuvent représenter pour les médecins une manne annuelle supplémentaire de 70 000 euros, poursuit le magazine. Le phénomène n’est pas marginal. En 2010, sur 1 286 poses de prothèse de hanche réalisées dans le cadre du privé à l’hôpital, plus de 40 % ont donné lieu à un dépassement d’honoraires.

5 % des PH concernés.

Ces révélations n’ont pas manqué de faire des vagues. « Les honoraires excessifs ne sont pas où on le croit, ils sont à l’hôpital et pas en médecine de ville », tonne le Dr Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). Le directeur de la Caisse nationale d’assurance-maladie, Frédéric van Roekeghem, souligne que « le taux moyen des dépassements est de 81 % du tarif de la Sécurité sociale pour les praticiens hospitaliers et de 61 % pour les médecins libéraux ». Les syndicats hospitaliers tentent de calmer le jeu. Ils rappellent que l’activité libérale est cantonnée à 20 % du temps des PH. « Ces abus concernent uniquement les grands hôpitaux, Paris, Lyon, Marseille, et seuls 5 % des PH ne respectent pas le tact et la mesure », souligne la présidente de l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH), le Dr Rachel Bocher. La psychiatre regrette toutefois que ces pratiques « jettent le discrédit sur l’ensemble des hospitaliers ». Selon " 60 millions de consommateurs ", les médecins en secteur 2 sont 503 en Ile-de-France, 238 en Rhône-Alpes, 214 en PACA, et 145 en Alsace. On en compte moins d’une centaine dans chacune des autres régions.

L’arlésienne de l’encadrement.

Créé en 1959 pour empêcher les pontes de céder aux sirènes du libéral, le secteur privé à l’hôpital est pointé du doigt. « La chirurgie ne tient que grâce aux dépassements d’honoraires, car avec 50 % de frais, un praticien ne peut pas s’en sortir avec les tarifs conventionnels », déclare le Pr Jacques Domergue, député UMP et chirurgien. Pour le Dr Alain Faye, chirurgien à la tête du Syndicat national de défense de l’exercice libéral de la médecine à l’hôpital (SNDELMH), ces dépassements d’honoraires s’expliquent par la notoriété du praticien et représentent une « chance pour les patients et les établissements », qui récupèrent la redevance.

Des garde-fous existent, via les commissions d’activité libérale, qui veillent au respect des 20 %. « Le directeur de l’hôpital doit prendre ses responsabilités », souligne le Pr Roland Rymer. Le président du SNAM-HP pointe aussi du doigt l’Ordre des médecins : « Ça fait longtemps qu’on leur demande ce que signifie "tact et mesure"… ». La limitation des dépassements d’honoraires demeure floue. « On ne peut pas aller chercher des poux dans la tête des chirurgiens qui font des excès, ils sont dans la loi ! », résume Jacques Domergue.

D’autres praticiens ont déjà leur avis sur des alternatives. « Il faut commencer par revaloriser l’attractivité des carrières », affirme le Dr Rachel Bocher, qui prône une réévaluation des indemnités de service public. L’Union des médecins spécialistes (UMESPE-CSMF) réclame pour sa part la mise en place du secteur optionnel qui plafonnerait à 50 % les dépassements sur 70 % de l’activité des praticiens.

Le débat devrait rebondir en pleine campagne présidentielle. En attendant, l’assurance-maladie entend sévir. La CNAM a mis sous surveillance 249 médecins libéraux et 28 praticiens hospitaliers qui ne respectent pas « le tact et la mesure ».

 COLINE GARRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9089