Nous sommes à Marseille, en 2013. Irène Pico-Philippe participe à un séminaire de l’association Tous chercheurs sur l’auto-immunité et l’inflammation. Sept ans plus tôt, on lui a diagnostiqué une polyarthrite rhumatoïde. Elle sort de cet événement « soulagée » !
« J’ai réalisé à quel point la compréhension de la maladie était importante pour mieux l’appréhender et être impliqué dans la prescription de ses traitements », témoigne-t-elle. Quelque temps plus tard, elle s’investit dans l’Association française des polyarthritiques et des rhumatismes inflammatoires chroniques (AFPric) – qu’elle préside aujourd’hui -, participe aux formations de Tous chercheurs et se porte rapidement volontaire pour en coconstruire une à destination des adhérents de l’AFPric. « Les besoins des patients ne sont pas forcément ceux qu’imaginent les professionnels de la recherche, explique-t-elle. Les personnes malades et leurs proches aidants doivent donc être formés pour exprimer leurs besoins, dans un langage commun, ou encore intervenir activement lorsqu’ils sont membres des comités de protection des personnes ». L’enjeu semble aujourd’hui bien compris par le monde médical. « Les mentalités sont en train de changer, confirme Marion Mathieu, formatrice scientifique au sein de Tous chercheurs. Je participe par exemple à la formation des patients membres du collège de relecture de l’Inserm et je constate qu’ils interviennent de plus en plus sur le contenu des protocoles de recherche alors qu’il y a quelques années, on attendait d’eux qu’ils rendent les documents compréhensibles pour les participants potentiels. » La formatrice, docteure en sciences et chargée de mission à l’espace éthique PACA-Corse a également constaté, au fil des années, un intérêt grandissant des médecins chercheurs pour ces moments d’échanges avec les patients : « Les témoignages des personnes malades les amènent aussi souvent à intégrer des sujets auxquels ils n’auraient pas pensé ».
Au patient alibi ont succédé le patient expert, le patient enseignant et le patient chercheur
Irène Pico-Philippe
Si la sollicitation du milieu associatif n’est pas nouvelle, l’approche a considérablement changé. « Nous ne sommes plus les plantes vertes qui enjolivent un décor. Au patient alibi ont succédé le patient expert, le patient enseignant et le patient chercheur », témoigne Irène Pico-Philippe qui se réjouit par ailleurs que les représentants associatifs soient de plus en plus consultés en amont des projets ou de la présentation de programmes hospitaliers de recherche clinique. « Il faut oser y aller pour faire évoluer les projets », poursuit-elle.
Avec Marion Mathieu, elle participe également à un groupe de travail de l’Afcros qui a abouti à la mise en ligne du site avec, là aussi, l’ambition que chaque citoyen puisse devenir acteur de la recherche clinique. « Chaque module a été réfléchi et coconstruit par des représentants de patients et de l’industrie et le site évoluera en fonction des besoins qui seront exprimés », détaille Marion Mathieu.
Dans les facultés de médecine de leurs territoires respectifs, Marion Mathieu à Marseille et Irène Pico-Philippe à Brest participent enfin à l’enseignement des futurs professionnels de santé, en impliquant des patients lors des séances. « Qu’il s’agisse de témoignages ou d’ateliers de simulation, il est important de créer du lien et de la confiance entre patients et professionnels le plus tôt possible », conclut Marion Mathieu.
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