Brigitte Bourguignon, premiers pas au « ministère des crises »

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Publié le 27/05/2022
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C'est dans un contexte délicat que Brigitte Bourguignon a été nommée ministre de la Santé et de la Prévention, il y a une semaine. Beaucoup moins connue des Français et de la profession que son prédécesseur Olivier Véran, elle a néanmoins plusieurs atouts dans sa manche pour gérer les mois compliqués qui s'annoncent – de la crise des urgences aux attentes fortes de la médecine de ville.

Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Contrairement à ses deux prédécesseurs, elle n'est pas médecin. Ce n'était pas non plus la favorite au poste mais elle n'aura eu, finalement, qu'un couloir à traverser, le week-end dernier, pour se glisser dans le fauteuil d'Olivier Véran. 

À 63 ans, Brigitte Bourguignon a été nommée ministre de la Santé et de la Prévention dans le gouvernement d'Élisabeth Borne, après avoir été pendant 20 mois ministre de l'Autonomie, sous le premier quinquennat d'Emmanuel Macron. Cette ancienne socialiste – qui avait hérité du siège de député de Jack Lang dans le Pas-de-Calais en 2012 –, convertie au macronisme entre les deux tours de la présidentielle 2017, avait gagné ensuite la présidence de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, rodant avec sérieux son discours sur la santé. Elle y a été la « complice » d'Olivier Véran, au parcours politique similaire, lui aussi issu des rangs socialistes, arrivé quelques mois avant elle au gouvernement.

Professionnels fatigués, éprouvés 

Le second terme de son portefeuille – la prévention – est inédit dans l'histoire de l'avenue de Ségur. Il témoigne de la marque particulière que le Président de la République souhaite imprimer au champ de la santé pour son second mandat.

Le parcours de la nouvelle ministre, ancré dans les territoires – elle a été élue locale et travaillé comme fonctionnaire au conseil départemental du Pas-de-Calais – semble coller parfaitement avec la volonté affichée du chef de l'État de renouer avec la concertation, après une gestion de la santé jugée trop verticale. Une priorité qui a vocation à s'incarner dans la « conférence des parties prenantes » que Brigitte Bourguignon devra organiser dans les prochaines semaines. « L'objectif qu'a fixé le président de la République est clair, c'est d'assurer l'accès aux soins pour tous, a-t-elle souligné lors de sa prise de fonction. Nous devons inventer une nouvelle méthode dans l'écoute et la co-construction avec les territoires, les citoyens et les soignants pour trouver de nouvelles solutions. C'est une tâche difficile à un moment où – j'en suis tout à fait consciente – nous sortons de la crise du Covid qui a fatigué et éprouvé tous les professionnels ».

Dans une MSP pour commencer

Visiblement émue lors du passage du relais au ministère de la Santé, lisant un discours forcément écrit à la hâte, encore un peu intimidée dans ses nouveaux habits à la sortie du premier conseil des ministres lundi dernier, la nouvelle ministre a néanmoins plusieurs atouts dans sa manche, à commencer par une solide connaissance des dossiers qui l'attendent. Cette expertise explique sans doute que sa nomination a été plutôt bien accueillie par les représentants du monde médical, quand bien mêmes leurs attentes sont très fortes (lire ci-dessous).

C'est également une bonne première impression qu'elle a faite aux soignants, libéraux et hospitaliers, auxquels elle a consacré son premier déplacement, dès samedi dernier. Une visite en terrain connu, il est vrai, dans son département du Pas-de-Calais où elle est candidate à sa réélection comme députée. C'était même la quatrième fois qu'elle se rendait à la maison de santé pluridisciplinaire (MSP) Léonard de Vinci de Gauchin-Verloingt, structure qui coche toutes les cases des évolutions poussées par l'exécutif. Elle en avait posé la première pierre en 2016, inauguré le bâtiment en 2017 et y était revenue pendant la campagne de vaccination contre le Covid dont la MSP était une des têtes de pont. « Vous ne connaissez peut-être pas encore mes convictions anciennes et fortes en matière de santé de proximité et de santé accessible à tous, avait-elle glissé quelques heures plus tôt à Paris. C'est mon combat depuis des années sur le terrain car je viens d'un territoire rural dans un département difficile en matière de prévention et de désertification médicale ».

Pour autant, les « solutions miracles » n'existent pas, a-t-elle confié, « face aux problèmes accumulés depuis des décennies » et « jusqu'à ce que la suppression du numerus clausus produise ses effets ». « Nous allons devoir gérer cette pénurie accélérée par une pyramide des âges vieillissante et une évolution des mentalités », a-t-elle ajouté.

IPA, assistants, protocoles et accès direct : l'avenir ? 

Dans cette maison de santé de Gauchin-Verloingt, la moyenne d'âge de la quarantaine de soignants est de 36,5 ans. « Nous travaillons avec une IPA, une assistante médicale et nous planchons sur notre projet 2022-2030 de protocoles de coopération », raconte Sandra Dupuis, infirmière coordinatrice de la structure. Une organisation très emblématique de la stratégie amorcée pour redonner du temps médical aux praticiens libéraux.

Côté coopération ville-hôpital, la MSP propose également des consultations avancées du CH d'Arras situé à 40 km. Brigitte Bourguignon y a écouté le Dr Pierre Valette, responsable du Samu départemental, expliquer que la crise des urgences dépasse les frontières de l'hôpital. « La nouvelle ministre a compris le principe des nouveaux modes d'exercice et de l'importance du travail en groupe pour favoriser l'attractivité, analyse le Dr Laurent Turi, l'un des cinq généralistes de la MSP. Elle a également dit son intérêt pour les expérimentations sur l'accès direct aux paramédicaux et aux pharmaciens, la valorisation de la pratique avancée infirmière et le lien avec l'hôpital. » Une feuille de route à appliquer désormais à tous les territoires.

Véronique Hunsinger

Source : Le Quotidien du médecin