Les pharmaciens bientôt autorisés à « prescrire » certains médicaments ? L'idée revient sur le tapis

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Publié le 28/02/2019
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Crédit photo : Phanie

Chassez l'amendement par la porte, il revient par la fenêtre ! Adopté en commission avant d'être rejeté en séance publique lors de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2019, cet automne, on pensait l'amendement visant à autoriser les pharmaciens à délivrer des médicaments à prescription médicale obligatoire définitivement enterré.

Mais selon une information « France Info », le député macroniste et médecin urgentiste Thomas Mesnier projette de défendre un amendement similaire dans le cadre du projet de loi de santé qui sera discuté à partir du 18 mars à l'Assemblée nationale.

Grosse bagarre autour de l'amendement Bagarry 

Sans plus de détail, à ce stade, sur le contenu précis du texte, l'amendement du député LREM de la Charente et co-rapporteur du projet de loi, devrait reprendre les grandes lignes de celui qui avait été écarté par l'Assemblée nationale en octobre dernier, faute de soutien politique suffisant.

La mesure a-t-elle davantage de chance d'aboutir ? Interrogé ce jeudi par « le Quotidien », le Dr Olivier Véran, rapporteur général de la commission des Affaires sociales, avoue n'avoir « pas travaillé dessus » et renvoie vers son collègue urgentiste…

L'amendement initial – défendu par le Dr Delphine Bagarry (LREM) et soutenu par quinze députés de la majorité – proposait d'expérimenter pendant trois ans « la dispensation, par les pharmacies d’officine, de certains médicaments à prescription médicale obligatoire dans le cadre d’un protocole médical et de coopération conclu avec le médecin traitant et les communautés de santé des structures d'exercice coordonnées ». Mais le tollé médical avait eu raison de cette initiative. 

Plusieurs pathologies courantes comme la cystite et la conjonctivite, déjà données en exemple à l'automne par la députée des Alpes-de-Haute-Provence, sont reprises aujourd'hui par certains experts pour défendre la mesure.

Sécuriser une pratique existante

« C'est une solution qui a fait ses preuves en Suisse et au Québec », défend Carine Wolf-Thal, présidente de l'Ordre des pharmaciens, qui soutient la proposition. Selon elle, c'est un moyen sérieux de remédier aux « petites urgences », notamment dans les zones où l'accès aux soins est difficile. Cela permettrait d'éviter que les patients, faute de médecin traitant disponible, aillent « chercher coûte que coûte leur prescription, y compris aux urgences », explique-t-elle ce jeudi.

Qui plus est, la délivrance directe en officine de médicaments qui sont normalement prescrits permettrait d'encadrer des pratiques existantes. « Il arrive au pharmacien, face à un patient qui a un problème d'accès à son médecin, de faire des délivrances de manière non encadrée, reconnaît-elle, l'avantage du dispositif est d'encadrer et de sécuriser cette pratique. »

Consciente de la polémique que cette proposition avait provoquée au sein du corps médical, la pharmacienne rassure : « Il n'est pas question d'écarter les médecins, le médecin traitant reste la personne qui coordonne le parcours et la prise en charge du patient. » Elle imagine plutôt cette autorisation de prescription soumise à un protocole décidé en accord avec le médecin. « Il y aurait des arbres décisionnels avec un certain nombre de questions pour amener le pharmacien à décider s'il doit prescrire, réorienter vers les urgences ou vers une téléconsultation ou tout simplement appeler le médecin traitant pour savoir s’il n'est vraiment pas possible de prendre en charge le patient », imagine Carine Wolf-Thal. « Mais on n'en est pas encore à ce niveau de détail dans la réflexion, nous devons travailler avec les médecins. »

Perte de chance ?

Pas sûr que cela suffise à convaincre les praticiens libéraux, farouchement opposés à la mesure. « Ce n'est pas une bonne idée ! », tranche le Dr Jacques Battistoni. Sur France Info, le président du syndicat MG France alertait ce jeudi sur la perte de chance potentielle pour les patients. « Derrière une grippe il peut y avoir une pneumonie et derrière une angine une mononucléose, met en garde le généraliste, le risque, c'est de donner un traitement sans examen du patient. » La question de la responsabilité professionnelle, souvent évoquée, est également posée.  

Le président de MG France affirme que des solutions existent déjà pour faire face au besoin urgent de médicaments en l'absence du médecin traitant. « Dès lors que le médecin et le pharmacien se connaissent, ils peuvent mettre en place des protocoles pour faire face à ces situations mais ce n'est pas à la loi de nous dire comment faire. »

À l’inverse, Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO) accueille favorablement l'initiative Mesnier. « C'est possible en Suisse depuis 7 ou 8 ans et ça se passe très bien », argumente le pharmacien qui se défend de vouloir prendre la place du médecin traitant. « On ne fait pas de diagnostic médical mais on peut, sous protocole, aider les patients. » 


Source : lequotidiendumedecin.fr