Continuité des soins en médecine de ville

Congés, absences : ce que prévoit le projet de décret

Publié le 02/09/2009
Article réservé aux abonnés
1276101214F_600x_80640_IMG_17810_1251964691076.jpg

1276101214F_600x_80640_IMG_17810_1251964691076.jpg
Crédit photo : S Toubon

LES PREMIERS EFFETS de la loi « Bachelot » sur la médecine de ville vont rapidement se faire sentir.

En application de l’article 49 de cette loi adoptée par le Parlement le 24 juin dernier, un projet de décret que « le Quotidien » s’est procuré fixe les nouvelles modalités d’organisation de la continuité des soins en médecine ambulatoire. Il s’agit en clair de la procédure de signalement que tous les médecins libéraux, généralistes et spécialistes, devront désormais respecter lorsqu’ils s’absentent pour des raisons professionnelles ou personnelles (uniquement dans le cas où le praticien n’est pas remplacé à son cabinet).

Lors du débat parlementaire, le principe consistant à contraindre les médecins à « poser » en quelque sorte leurs vacances (auprès d’une autorité ordinale, administrative…) avait suscité de vives réactions parmi les syndicats médicaux : ils avaient dénoncé une mesure vexatoire, voire humiliante, une atteinte à l’exercice libéral et même à la vie privée. C’est pourtant un médecin, le chirurgien Jacques Domergue, qui avec l’aval du gouvernement avait initié et défendu cet amendement sur la continuité des soins aux malades, estimant qu’elle devait être assurée «  quelles que soient les circonstances ».

Jusque-là en effet, la continuité des soins était seulement une obligation déontologique faite aux médecins libéraux et ne faisait l’objet d’aucun recensement. Or, à plusieurs reprises ces dernières années (canicule d’août 2003, congés estivaux, périodes de Noël 2008, ponts fériés), la polémique a rebondi sur la « carence » de l’offre de soins de ville, principalement en médecine générale, conduisant à un engorgement des urgences, les patients ne sachant pas à quel médecin s’adresser. D’où la nécessité de mieux formaliser en amont cette continuité des soins, devenue obligation légale. Dans l’entourage de Roselyne Bachelot, on rappelle le contexte de cette mesure. «  Il faut se souvenir de l’affolement l’hiver dernier avec des patients qui tournaient dans les camions (urgences débordées lors de la période des fêtes) . Nous devons faire en sorte d’être mieux préparés, ce que permet ce texte  ».

Vers des « autorisation d’absence » ?

En pratique, lorsque le médecin se dégagera de sa mission de soins pour des raisons professionnelles ou personnelles, il devra systématiquement indiquer à ses patients le confrère auquel ils pourront s'adresser en son absence. Dans la plupart des cas, cette identification du confrère susceptible de prendre en charge ses patients était déjà la règle et la législation ne fera que formaliser l’existant.

Plus contraignant, le projet de décret stipule qu’à défaut de remplaçant, le médecin devra avertir «  au moins deux mois à l’avance » le conseil départemental de l'Ordre de ses absences programmées «  de plus de six jours ou d’une durée inférieure mais incluant un jour suivant ou précédent un jour férié [c’est-à-dire en période de pont] ».Même si l’obligation d’information du conseil de l’Ordre est limitée aux cas où le médecin n’est pas remplacé à son cabinet, la mise en musique de ce principe pour tous les médecins libéraux, avec ce délai de prévenance de deux mois qui semble très long, s’annonce compliquée.

Le projet de décret charge enfin les conseils départementaux de l’ordre de s’assurer qu’aucune difficulté de prise en charge des patients ne pourra résulter d’une carence des médecins libéraux en activité. Ces conseils départementaux devront rechercher des «  solutions  » en cas de problème pour renforcer la présence médicale et «  informer » le directeur général de l’agence régionale de santé (DG ARS) de la situation. Pour le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, syndicat qui avait tiré à boulets rouges contre la loi HPST et cette mesure en particulier, «  le signalement d’absence débouchera rapidement sur l’autorisation d’absence  », dès lors que l’Ordre devra s’assurer partout d’une présence médicale suffisante. Ce qui annoncerait de nouvelles tensions dans les zones fragiles. «  Si un vide est constaté, prévient-il, il faudra combler les trous et toute cette procédure sur les absences et congés permettra au bout du compte de multiplier les réquisitions.  »

Propos excessif ? Le projet de décret relativise en tout cas le rôle des directeurs d’ARS en matière de continuité des soins (ils sont informés de la situation en bout de chaîne) alors que certains syndicats avaient agité l’épouvantail de «  bons d’absence  » délivrés aux médecins par ces « superpréfets » sanitaires. Patron de MG-France, le Dr Martial Olivier-Kœhret minimise la portée de ce texte. «  La seule nouveauté c’est le délai de deux mois. Les médecins continueront de s’organiser, de prévenir, et de partir en vacances!  ». Pour ce responsable, le «  vrai sujet  » est «  comment fait-on pour trouver sur tout le territoire des médecins généralistes qui ne soient pas épuisés  ».

Au ministère de la Santé, on souhaite calmer le jeu, se défendant d’avoir instauré un dispositif trop rigide à l’heure où les médecins candidats à l’exercice libéral se font de plus en plus rares. «  La mesure est réaliste et proportionnée et somme toute peu contraignante car elle ne fait qu’expliciter une obligation déontologique  ». Les syndicats médicaux, destinataires de ce projet de décret, sont invités à faire part de leurs observations avant le15 septembre.

 CYRILLE DUPUIS

Source : lequotidiendumedecin.fr