Cotation CS dans le Morbihan

Un médecin gagne contre la caisse qui fait aussitôt appel

Publié le 28/04/2010
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DEUX SEMAINES après l’arrêt de la Cour de cassation du 8 avril dernier, qui déniait à des spécialistes de médecine générale drômois le droit de coter CS, une décision du tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) du Morbihan vient d’en prendre le contre-pied. Cette décision donne ainsi raison, en première instance, au Dr Éric Mener, qui avait porté plainte contre sa caisse primaire qui refusait de rembourser ses patients pour cause de cotation en CS. La décision « donne du baume au cœur » du Dr Mener qui ne s’attendait « pas du tout à cette décision du TASS depuis le dernier arrêt de la cour de cassation ». Mais la joie d’Éric Mener aura été de courte durée ; à peine connue la nouvelle, la caisse indiquait au « Quotidien » sa décision de faire appel de ce jugement.

L’affaire commence le 17 mars 2009. Ce jour-là, le Dr Mener, suivant les recommandations de son syndicat, MG-France, décide de coter CS, en tant que spécialiste en médecine générale. « Je n’ai coté en CS qu’une seule journée car je savais que mes patients ne seraient pas remboursés et je ne voulais pas les pénaliser. Je les avais prévenus et leur avais précisé que je leur rembourserais le montant de la consultation ».

Comme prévu, la caisse ne rembourse pas ses patients et le 9 juin 2009, le Dr Mener porte plainte contre sa CPAM devant le TASS. Le jugement, même s’il fait l’objet d’un appel de la caisse, n’est pas tendre à l’égard de l’assurance-maladie. Le tribunal lui ordonne en effet de lui régler les actes cotés en application de la nomenclature applicable aux médecins qualifiés spécialistes, de rembourser ses patients sur cette base, et de verser au Dr Mener la différence entre le tarif CS et le tarif C pour l’ensemble de ses consultations depuis le 17 mars 2009.

Bataille identitaire.

Le secrétaire général de MG-France, le Dr Vincent Rébeillé-Borgella, s’avoue peu surpris de l’appel de la caisse : « Qui pouvait espérer qu’ils en resteraient là ? », s’interroge-t-il, tout en estimant que « le jugement de première instance du TASS du Morbihan reste pour nous un élément fort ». Au-delà de cette affaire, MG-France reste confiant puisque Nicolas Sarkozy a récemment annoncé que les médecins qualifiés spécialistes en médecine générale pourraient très logiquement coter CS…à partir du 1er janvier 2011. « La caisse sera bien obligée de finir par accepter, confie le Dr Rébeillé-Borgella. Nous demandons au président de la République l’application immédiate de cette mesure ».

Quant au Dr Éric Mener, il regrette la décision de la caisse de faire appel. « C’est un combat d’arrière-garde perdu d’avance, assure-t-il. C’est triste, blessant, vexant et humiliant. Les caisses avaient une occasion de sortir la tête haute de cette affaire en en restant là. C’est raté ». Le Dr Élisabeth Hingant, responsable de MG-France dans le Morbihan, met également en perspective ce combat identitaire de la médecine générale : « l’augmentation de un euro de la valeur du C n’a aucun sens, vu les besoins de la médecine générale. Le droit au CS est une bataille pour l’honneur de la profession, les jeunes n’accepteront jamais d’entrer dans une spécialité décotée ».

 HENRI DE SAINT ROMAN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8760