Grève générale en Guyane : la santé, au cœur des revendications

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Publié le 28/03/2017
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Crédit photo : AFP

La Guyane connaît depuis la semaine dernière un mouvement social de grande ampleur. Des enjeux de santé publique sont au cœur de la mobilisation des habitants de cette région ultramarine, aux côtés des revendications d'ordre « économique, éducatif, sécuritaire, foncier et énergétique ».

La reprise du centre hospitalier Kourou a mis le feu aux poudres

Le projet de reprise du centre hospitalier de Kourou par un groupe privé a mis le feu aux poudres. De manière générale, les difficultés d'accès aux soins et l'état des quelques établissements hospitaliers sont pointés du doigt. La Guyane compte 47 médecins généralistes pour 100 000 habitants, soit deux fois moins que dans l'Hexagone. Quant aux médecins spécialistes, ils y sont 4 fois moins nombreux, d'après le Baromètre Santé DOM 2014. Avec 79 % des Guyanais ayant consulté « au moins une fois un médecin généraliste » en 2014 et « au moins une fois un dentiste », la Guyane détient les niveaux de consultation les plus faibles des DOM.

Les revendications sur la santé participent de l'émergence de la mobilisation actuelle qui s'est d'abord exprimée à Kourou, où se trouve le Centre spatial guyanais (CSG). Le collectif citoyen Les Toukans, qui s'oppose à la reprise du centre médico-chirurgical de Kourou (CMCK) par le groupe privé Rainbow Santé et demande une amélioration des soins hospitaliers, rejoignait les grévistes d'EDF et d'Endel, chargé de la maintenance du CSG.

La Croix Rouge qui gère le CMCK, seul centre hospitalier de la ville de Kourou comptant 25 000 habitants, souhaite se désengager de l'établissement fortement endetté. Rainbow Santé s'est dit intéressé. Suite à la mobilisation, la ministre de la Santé Marisol Touraine a rapidement annoncé la suspension de cette reprise. Décision confirmée hier, par le premier ministre, Bernard Cazeneuve.

Le collectif Pou La Gwiyann Dekolé (Sauvons la Guyane), qui regroupe les différents collectifs actuellement mobilisés en Guyane, demande l'annulation de « tout projet de privatisation » du CMCK et sa transformation en établissement de santé publique. S'ajoute à ces demandes « la résorption du déficit de 5 millions d'euros » du centre hospitalier.

Au-delà de la question du Centre kouroucien, c'est l'accès aux soins en général qui pose problème en Guyane.

« Un maillage insuffisant en termes de soins » (CSMF)

Lundi 27 mars, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), à la suite de son antenne guyanaise, apportait « un soutien plein et entier à ce mouvement social, notamment aux revendications légitimes de la population en matière de santé ». Les syndicats médicaux dénoncent « un maillage insuffisant en termes de soins sur l'ensemble du département ». La CSMF pointe du doigt les « autorités sanitaires, qui ont fermé des établissements de soins alors même que la population continue d’augmenter ».

La Guyane compte aujourd'hui officiellement 250 000 habitants. Elle est marquée par une croissance démographique forte, due à l'immigration que connaît ce bout de France en Amérique latine, et une natalité élevée. Les établissements hospitaliers sont exsangues. Le collectif Pou La Gwiyann dekolé demande pour le centre hospitalier de Cayenne « l'attribution d'une dotation exceptionnelle de fonctionnement » et pour le Centre hospitalier de l'Ouest guyanais l'attribution d'un « montant de 30 millions pour donner un ballon d'oxygène » à l'hôpital de Saint-Laurent du Maroni.

Des négociations en cours

« L’État s’est engagé sur des aides en fonctionnement (20 millions d’euros) et pour le programme d’investissement de l’hôpital de Cayenne (40 millions d’euros) qui doivent être validées par le CODERMO du 28 mars. Un plan pluriannuel de retour à l’équilibre sera accompagné par l’État pendant 5 ans. Il ne comportera pas dans cette phase de réduction d’effectifs », a indiqué ce lundi Jean-François Cordet, ancien préfet de Guyane qui dirige la mission interministérielle présente actuellement dans la région. Quant à l'hôpital de Kourou, l'ancien préfet précise que l'établissement a « vocation à rester dans un environnement public ».

Enfin, la CSMF s'inquiète de l'insécurité minant la Guyane et demande à ce que « des mesures de sécurisation de l’exercice des médecins libéraux et plus largement pour tous les professionnels de santé soient prises, sous peine de voir la situation se dégrader encore, au vu des violences commises à l’encontre des professionnels de santé libéraux ».

La question de l'insécurité est au cœur des préoccupations guyanaises du moment. Le collectif des 500 frères, comptant une centaine de personnes manifestant cagoulés, s'est constitué il y a quelques semaines autour de ce problème.

Hier, Bernard Cazeneuve a confirmé la venue en Guyane d'une « délégation ministérielle » pour continuer les négociations. À l’heure qu’il est là, la composition de cette délégation n'est pas encore connue.


Source : lequotidiendumedecin.fr