Démission collective de médecins, grève des internes

Les hospitaliers ne battent pas en retraite

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Publié le 16/01/2020
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À peine souffle-t-elle sur le dossier des retraites qu'Agnès Buzyn doit éteindre le feu qui reprend à l'hôpital. En dépit de la concrétisation des premières mesures de son plan hôpital, la ministre de la Santé n'arrive toujours pas à convaincre médecins, paramédicaux et internes, qui réclament à cor et à cri des moyens supplémentaires et des conditions de travail décentes.
Le collectif inter-hôpitaux du Pr Grimaldi attend du concret avant le 26 janvier

Le collectif inter-hôpitaux du Pr Grimaldi attend du concret avant le 26 janvier
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Retourner à ses amours hospitalières après une séquence très dense consacrée à la réforme des retraites aurait pu faire l'effet d'une cure de jouvence à Agnès Buzyn. 

Las, en ce début janvier, l'hôpital va aussi mal qu'avant la trêve des confiseurs : en proie à l'une des plus grandes crises de son histoire, qui ne semble jamais faiblir, les efforts et les moyens déployés par le gouvernement semblent toujours insuffisants. 

Depuis mars 2019 et le début de la révolte des soignants urgentistes, le secteur public hospitalier est secoué de soubresauts réguliers. Plus que sa durée, c'est l'intensité du malaise qui surprend. Fait sans précédent, près de 1 200 praticiens hospitaliers – dont 600 chefs de service et 470 responsables d'unités – de toute la France ont démissionné de leurs fonctions administratives mardi 14 janvier pour dénoncer leurs conditions de travail, l'impact de la pénurie médicale et paramédicale sur la prise en charge de leurs patients et réclamer au gouvernement un « Grenelle de l'hôpital public ».

Deux heures par jour d'administratif

Fédérés par le collectif inter-hôpitaux (CIH), ces praticiens – loin d'être tous des mandarins – ne siègent plus en commission médicale d'établissement (CME), boycottent les réunions budgétaires ou administratives (agence régionale de santé, HAS pour le chantier des accréditations, etc.), cessent leur participation à la rédaction de projets de service, leur gestion du planning et des congés et la transmission à leur direction hospitalière de leur capacité d'accueil des internes.

« Les fonctions administratives représentent une à deux heures de travail par jour pour un chef de service, détaille le Pr Stéphane Dauger, à la tête de la réanimation pédiatrique de Robert Debré (AP-HP) et chef de file du CIH. Nous n'allons rien changer à nos soins aux patients mais, à moyen terme, l'absence du chef d'orchestre peut retentir sur l'organisation du travail. » Les signataires espèrent, avec cette action symbolique et très médiatisée, s'attirer les faveurs du gouvernement, pour qui la déstabilisation des 1 000 hôpitaux publics serait une épreuve supplémentaire.

En sus de la pétition, le collectif inter-hôpitaux a remis sur le bureau d'Agnès Buzyn sa demande d'une revalorisation « significative » des salaires – 300 euros net en plus des primes déjà annoncées – une rallonge budgétaire de 600 millions d'euros dès 2020 (ONDAM), la fin de la tarification à l'activité (T2A), la rénovation de la gouvernance et l'embauche de nouveaux personnels, en particulier en aval des urgences et des soins aigus. 

Agnès Buzyn a jusqu'au 26 janvier pour répondre. Consciente du risque, la ministre avait pourtant présenté en début de semaine un calendrier resserré de son plan hôpital (encadré) pour montrer les effets immédiats et reprendre la main sur le dossier. En vain.

Empilement de crises

Ce front médical des chefs de service s'ajoute à celui, plus ancien, des paramédicaux des urgences publiques. Car les crises ne s'annulent pas à l'hôpital : elles s'empilent. Infirmier à Lariboisière (AP-HP), Hugo Huon, président du collectif Inter-Urgences (CIU) a regretté mardi que les médecins « en arrivent là ». Mais, après dix mois de mobilisation et 276 services toujours en grève, il avoue « ne plus savoir que faire pour faire entendre » la voix des paramédicaux. « Nous aussi, nous envisageons une démission collective complète de la fonction publique hospitalière », a-t-il jeté sans autre précision. Une menace qui, si elle se réalisait, fragiliserait encore davantage l'équilibre précaire des établissements. 

Dernier foyer de crise, et non des moindres : la colère des 31 000 internes. En grève « illimitée » depuis le 10 décembre, les juniors manifesteront lundi prochain à Paris et en région pour dénoncer leurs horaires et conditions de travail, de formation et de rémunération. L'InterSyndicale Nationale des Internes (ISNI) estime le taux de mobilisation à 50 %. Pour la ministre, une nouvelle coagulation des mécontents serait la pire nouvelle de la rentrée.  

Anne Bayle-Iniguez

Source : Le Quotidien du médecin