Comment restaurer la confiance à l’hôpital public ?

Plongée au cœur de la mission Couty : entre concertation et grand-messe

Publié le 13/11/2012
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MARISOL Touraine a voulu créer un espace de dialogue avec la communauté hospitalière pour tourner la page de la loi HPST. Son « pacte de confiance » à l’hôpital se traduit pour l’heure par une longue phase de concertation dans le cadre de la mission confiée à Edouard Couty. Chaque semaine, à Paris, sont organisées des réunions autour de différentes thématiques autour du dialogue social, du service public hospitalier et de la gouvernance.

Cinquante personnes, autant de priorités.

Cette séance-ci est centrée sur quatre mots clés : recherche, formation, qualité, efficience. C’est parti pour quatre heures d’échanges sans pause. Autour de la table sont réunis les fédérations hospitalières, les syndicats médicaux et non médicaux, mais aussi les doyens, les présidents de CME, les internes. Une cinquantaine de personnes en tout, venues avec l’espoir d’être entendues sur tel ou tel point clé !

Chacun a ses priorités, qui ne cadrent pas nécessairement, ce serait trop simple, avec celles de ses voisins.

La présidente du groupe de travail, Bernadette Devictor, donne le coup d’envoi de la séance. Un représentant de la CGT intervient en préambule : « Les restructurations continuent,les projets régionaux de santé sont votés à marche forcée ». L’infirmier émet un sérieux doute sur l’intérêt de ces grand-messes hebdomadaires : « Est-ce de la sincère pédagogie ou de l’enfumage ? ». Le devenir des propositions qui seront adressées à l’exécutif « échappe aux rapporteurs », prend soin de préciser Bernadette Devictor.

Ambiance détendue, quelques piques.

Deux témoins introduisent le débat. Le Pr Dominique Mottier développe un plaidoyer en faveur de la recherche clinique académique, tandis que le Dr Irène Frachon, photos de valves cardiaques à l’appui, revient sur les étapes de l’enquête Mediator qu’elle a menée à Brest, et qui a débouché sur le retrait du médicament.

Chacun y va de son commentaire. Au nom de l’indépendance, un représentant de l’AMUF/CGT demande que la recherche « sous toutes ses formes » soit considérée comme une mission de service public. Grimace de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) et de la Fédération des centres de lutte contre le cancer, qui rappelle que le public n’a pas l’apanage de la recherche académique. Une PH reproche à un doyen sa vision trop universitaire de la recherche. Le ton est cordial, l’ambiance détendue, mais les piques fusent. Public-privé, CHU-hôpitaux généraux : la (gué)guerre, une nouvelle fois, rebondit.

La discussion se concentre à présent sur la formation médicale. Le président de la Conférence des doyens, Dominique Perrotin, n’est pas avare en critiques. Deux concours, c’est trop, laisse-t-il entendre, tout en stigmatisant l’ouverture des stages au privé depuis la loi Bachelot (« Je n’en vois pas l’intérêt »). Nouveau sourire pincé de la FHP, qui rappelle que les cliniques réalisent 60 % de la chirurgie.

Oui ou non, faut-il supprimer la T2A ?

C’est à ce moment qu’intervient le Pr André Grimaldi, présent au titre de l’AP-HP d’après l’écriteau posé devant lui. Entendre les mêmes rengaines depuis des années l’agace manifestement. À ses yeux, il est grand temps d’agir et de lancer une réforme, « plus difficile encore que la réforme Debré » (création des CHU en 1958). « Si les étudiants ne veulent pas que ça change, ça ne change pas », constate, démuni, le Pr Perrotin. Le jeune président de l’ISNIH (intersyndicat national des internes de spécialité) concentre ses attaques sur un autre front, la course à la productivité, qui mine les médecins en formation.

La réunion touche à sa fin, certains ont déjà quitté la salle. Un directeur d’hôpital soulève une question clé : « Où les professionnels veulent-ils s’installer ? ». De liberté d’installation et de déserts médicaux, il n’aura pas été question, pas plus que de qualité et d’efficience, mots clés pourtant au programme de la matinée.

Un questionnaire circule, il faut répondre par oui ou non. Faut-il étendre, maintenir, réduire ou supprimer la tarification à l’activité ? Les usagers doivent-ils être représentés au sein du directoire, de la CME, du CTE ? La contractualisation avec les ARS est-elle efficace ? « On ne peut pas se contenter de répondre par oui ou par non », préviennent de concert la FHF et le SYNCASS-CFDT. « Les réponses à ce questionnaire ne constitueront pas le rapport », rassure la présidente du groupe de travail.

Les professionnels de santé s’en retournent à leur lieu d’exercice. Les uns conquis par l’exercice, les autres dubitatifs, ou carrément déçus. Tous s’accordent sur un point : aucun compromis ne se dessine à ce stade. La concertation Couty s’achève dans un mois.

DELPHINE CHARDON

Source : Le Quotidien du Médecin: 9188