Il y a urgence. « La situation appelle une transformation radicale de notre système de santé », a exprimé, en introduction d’une récente table ronde organisée par l’Ajis* Camille Devroedt, responsable de projet au pôle immobilier et RSE de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap). « Les établissements doivent prévenir par des actions d’adaptation et d’atténuation l’ensemble des effets du changement climatique à la fois sur la santé humaine et sur le fonctionnement des services », a complété Jérémy Guihenneuc, chercheur à l’Université de Poitiers (Inserm/CNRS). Dit autrement : apporter des réponses aux impacts du changement climatique et s’attaquer aux causes de ce changement.
Parmi les réponses à ce défi, le dispositif Unités durables. Mis en place au CHU de Bordeaux, il propose des outils aux équipes pour transformer leur quotidien. « Il faut changer tous les gestes de tous les professionnels de tous nos établissements », a souligné la Dr Noëlle Bernard, copilote du groupe « transformation écologique » du CHU, avant de citer de nombreux exemples allant de l’abus du recours aux gants à usage unique aux « aberrations » en matière de prescription de médicaments. De fait, comme l’a rappelé le Shift Project, sur les 8 % de gaz à effet de serre produits par le secteur de la santé en France, la moitié provient de l’achat de médicaments et de dispositifs médicaux.
Les cardiologues précurseurs
Bonne nouvelle, « il existe une dynamique réelle en matière d’atténuation, le recours à des gaz anesthésiques polluants est progressivement abandonné et pour le médicament, la voie orale est de plus en plus privilégiée à l’intraveineuse, s’est réjouie la coordinatrice du projet Unités durables. À Lyon, les équipes ont travaillé sur la simplification du kit péridurale, ce qui a par ailleurs généré une économie annuelle de 42 000 euros. La seule solution est l’application d’un principe de sobriété. Nous devons impérativement revoir nos consommations ». Défenseure de la pertinence des soins, la Dr Bernard s’est également félicitée de la mutualisation croissante des pratiques et de l’implication croissante du corps médical. « Ce sont les cardiologues qui ont les premiers remis en cause le matériel à usage unique - lequel commence de surcroît à manquer – dans le cathétérisme, ce qui a abouti à une mission de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur le “reprocessing” de ces matériels. »
Si la réglementation impose aux établissements des obligations croissantes en matière d’éco-responsabilité, de nombreux leviers peuvent aussi être activés avec, en premier lieu, celui de la formation initiale et continue. « J’ai rencontré les équipes de l’Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH) hier sur ce sujet et je me réjouis que des unités spécifiques d’enseignement aient déjà été mises en place dans certaines facultés de médecine. Si nous voulons que nos établissements se transforment, nous avons besoin d’une double dynamique, celle des directions et celle de tous les corps professionnels soignants », a souligné la Dr Bernard.
Traquer les polluants
C’est avec ce même objectif que Jérémy Guihenneuc, également assistant hospitalo-universitaire en santé publique au CHU de Poitiers et Léa Boissinot, pharmacienne hospitalière à l’Observatoire des médicaments, dispositifs médicaux et innovations thérapeutiques (Omedit) Ile-de-France ont créé en 2020 le Plan Health Faire. Cet outil pédagogique propose, dans une démarche collective, de répondre à trois objectifs : comprendre les enjeux du développement durable, fédérer l’ensemble des parties prenantes et … agir. « Plus de 3 000 professionnels et étudiants ont participé à cet atelier collaboratif, a indiqué Jérémy Guihenneuc. S’emparer de ce sujet est aussi un élément d’attractivité et de fidélisation des professionnels de santé qui retrouvent du sens à leur exercice. Il faut maintenant aller plus loin dans l’engagement, ne pas nous contenter de mesurer les seuls gaz à effets de serre. Nous devons étendre le scope aux polluants dans l’air, dans l’eau et aux particules fines. Il faut aussi associer davantage les usagers. »
Camille Devroedt a également présenté les différentes actions et ressources de l’Anap qui a par exemple été missionnée pour former les dirigeants de tous les GHT à la transition écologique d’ici fin 2024. L’agence a développé des outils d’appui et d’accompagnement - sur la sobriété hydrique par exemple – et propose, en collaboration avec l’Agence de la transition écologique (Ademe), un outil (In'Action) qui permet d’évaluer le coût de l'inertie dans le champ du bâtiment. « Ne rien faire coûte plus cher que d’investir dans des solutions éprouvées », a exprimé Camille Devroedt. Prochain rendez-vous de l’Anap le 11 octobre, journée consacrée au financement de la transition écologique.
* Association des journalistes de l’information sociale (Ajis)
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