« De la maltraitance envers les soignants » : au CHU de La Réunion, le déficit provoque une situation de crise

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Publié le 21/02/2024
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Crédit photo : AFP/RICHARD BOUHET

Une réunion de crise s'est tenue mardi 20 février à l'hôtel de Région en présence d'un Collectif de praticiens hospitaliers, des syndicats hospitaliers, de l'Union des maires et des parlementaires réunionnais. Tous protestent contre la décision de l'État d'étaler sur plusieurs années la revalorisation du coefficient géographique – passée de 31 % à 34 % en novembre 2023. Ce coefficient géographique s’applique à une large part des recettes et vise à compenser les surcoûts assumés par les hôpitaux outre-mer.

Pour le Pr Peter von Théobald, président de la CME du CHU, cet étalement de la valorisation du coefficient géographique – qui devait apporter environ 20 millions d'euros de trésorerie chaque année au CHU – pénalise fortement les soignants. « L'épuisement des personnels, le taux d'absentéisme qui atteint 20 % dans certains services, les burn-out, l'insuffisance capacitaire sur le site du CHU, c'est de la maltraitance envers les soignants », explique-t-il.

Le surcoût des évacuations sanitaires de Mayotte

Pour mémoire, le CHU de La Réunion présente un déficit de 50 millions d'euros sur un milliard de budget, que sa gouvernance impute en grande partie à la non prise en charge par l'État de missions assurées par le CHU dans la zone océan Indien, dont les Evasan de Mayotte (évacuations sanitaires), qui sont passés de 400 il y a quelques années à 1 600 aujourd'hui. « Cela représente 10 millions d'euros pour le soutien à Mayotte, mais il faut aussi y ajouter 2,3 millions pour la recherche, 2,8 millions pour la permanence des soins en établissements de soins ainsi que 7,5 millions d'euros pour des missions de recours déficitaires en cardio et onco pédiatrie, entre autres missions non compensées », énumère le Pr Peter von Théobald.

Mis bout à bout, tout cela représenterait 30,4 millions d'euros relevant de la charge de l'État. Lequel semble avoir une lecture différente des difficultés du CHU réunionnais, évoquant des failles de gestion, à tel point que serait envisagée une mission d'inspection de l'IGAS, encore non confirmée. « Une mission IGAS, ça prend un an, pendant tout ce temps, on ne pourra pas avancer », s'inquiètent les syndicats hospitaliers.

Outre-mer, deux poids, deux mesures pour les CHU ?

Mardi a aussi été soulevé le problème de l'approvisionnement en médicaments du CHU, la facture due n'ayant pas été réglée ; et les opposants à la politique du gouvernement agitent aussi le spectre de salaires non réglés à court terme.

Plusieurs participants à la conférence de presse, hier, se sont étonnés que les hôpitaux des Antilles et de la Corse aient obtenu deux revalorisations de leur coefficient géographique tandis que La Réunion a attendu plus de dix ans pour obtenir, en novembre dernier, la promesse d'une revalorisation de trois points. L’annonce d’un étalement de ces rallonges budgétaires sur plusieurs années – trois ou quatre ans – a été la goutte d’eau de trop.

D’où un mouvement de protestation massif, le CHU bénéficiant du soutien des parlementaires et des élus réunionnais, ainsi que d'un collectif de praticiens hospitaliers, créé fin 2023 dans le sillage des inquiétudes sur l'avenir de l'établissement. Le fait que tous les CHU ultramarins ne soient pas logés à la même enseigne est source d’exaspération. Les protestataires visent particulièrement la Guadeloupe, dont le CHU était dirigé jusqu'en 2022 par… L’actuel directeur général de l'ARS de La Réunion, Gérard Cotellon. « La Guadeloupe a touché 70 millions d’euros en 2021, 79,3 millions en 2022 et la même somme en 2023 ! La Réunion, elle, a touché 2,5 millions d’euros en 2021 et 3,2 millions en 2022 et en 2023. Pourquoi ? » C'est l'une des questions que souhaite poser la présidente de Région, Huguette Bello, lundi prochain, directement à la Ministre du Travail et de la Santé, Catherine Vautrin. De l'issue de cette rencontre avenue de Ségur dépendra la décision des syndicats hospitaliers de lancer ou pas « une grève de très grande ampleur ».

De notre correspondante, Mireille Legait

Source : lequotidiendumedecin.fr