Semaine de vérité pour l'hôpital. Édouard Philippe sera mercredi l'ordonnateur d'un plan « conséquent » pour le secteur, en proie à une crise sans précédent initiée aux urgences mais qui a gagné une grande partie de l'hôpital.
Cette reprise en main au plus haut niveau de l'Etat tient à la durée du conflit mais surtout au succès de la manifestation pour « sauver l'hôpital » qui a réuni jeudi dernier entre plus de 10 000 médecins, infirmiers, aides-soignants et internes des hôpitaux publics à Paris et dans plusieurs villes de France. Une alliance inédite entre les paramédicaux, les PH et les hospitalo-universitaires qui a convaincu l'exécutif de proposer un nouveau « plan d'urgence ».
Emmanuel Macron, bousculé par cette démonstration de force des blouses blanches, a dû anticiper le calendrier et prononcer un discours de déminage en plein milieu d'un déplacement à Épernay sur le suivi des réformes territoriales (lire ci-contre). Le locataire de l'Élysée l'a assuré : des « décisions fortes » seront prises, il y aura un « investissement plus massif ». « L'hôpital est l'armature, le socle du système de santé, a-t-il cajolé. Si l'hôpital public ne fonctionne plus, le système de santé ne peut plus fonctionner. Nous nous devons de réagir ».
Signal positif
À ce stade, Emmanuel Macron n'a rien dit de plus que ce qu'Agnès Buzyn tente de faire « imprimer » depuis des semaines, voire des mois. En vain puisque ses deux plans de 70 millions d'euros mi-juin puis 750 millions d'euros en septembre – sur trois ans dans le cadre du pacte de refondation des urgences – n'ont en rien calmé la grogne. Il faut donc « intensifier », « accélérer ».
La parole élyséenne a son poids et certains manifestants ont perçu un début de signal positif. « Je suis émue, fière et heureuse de cette victoire. L'exécutif a enfin pris la parole. Notre objectif, c'est Macron, c'est Philippe, c'est ceux qui tiennent les cordons de la bourse. Notre objectif, c'est de les faire plier ! », a lancé jeudi dernier Yasmina Kettal, infirmière du collectif inter-urgences, lors de la seconde assemblée générale du collectif inter-hôpitaux (CIH, lancé en septembre par des médecins et des soignants parisiens).
L'hôpital ne tient plus qu'à un fil (FHF)
Avant de juger sur pièces le contenu du plan (montant, ampleur, modalités, calendrier), le CIH a voté en AG ses trois revendications : hausse de l'enveloppe hospitalière à 4 % (au lieu du taux actuel de 2,1 %), augmentation de 300 euros net mensuels pour tous les personnels non médicaux et arrêt des fermetures de lits.
Les poids lourds du secteur ont accentué la pression. La Fédération hospitalière de France (FHF) a réclamé « une hausse significative de l’enveloppe financière allouée en 2020 », arguant d'un « moment charnière » pour l'hôpital « qui ne tient plus qu'à un fil ». « Les écarts de rémunérations et de contraintes, entre le privé lucratif et le public, ne sont plus tenables », défend la Fédération qui attend un « choc d'attractivité ».
La réponse doit être à la hauteur des attentes pour Action praticiens hôpital (APM). « On ne saurait mesurer les conséquences pour le pays et sa population tout entière si les annonces […] venaient décevoir une communauté hospitalière publique aux abois », a prévenu le Dr Thierry Godeau, président des CME de centres hospitaliers. Moins concernée, la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP, cliniques) n'en a pas moins demandé une augmentation des tarifs hospitaliers de 1,5 %.
Coagulation
Dans l'attente du plan, médecins et soignants ne désarment pas, mais sont confrontés à des divisions internes sur la stratégie. Jeudi, en assemblée générale, des discussions houleuses autour de la date de la prochaine manifestation nationale ont révélé un hiatus entre les partisans d'une nouvelle action 100 % hospitalière et ceux favorables à une convergence des luttes avec les grévistes de la SNCF et de la RATP le 5 décembre contre la réforme des retraites.
Une coagulation des conflits redoutée par le gouvernement. Du côté des syndicats, les fédérations santé de la CGT et FO seront dans la rue dès 5 décembre... Défavorable au rapprochement avec les centrales syndicales, le CIH a arrêté à l'arraché le samedi 30 novembre comme prochaine date de manifestation « nationale unitaire » à Paris.
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