Les négociations touchent à leur fin au Ségur, du moins sur le délicat volet salarial. Après un accord avec les paramédicaux puis avec les étudiants, gouvernement et syndicats de praticiens hospitaliers (PH) ont trouvé un terrain d'entente. Selon nos informations, un protocole d'accord à hauteur de 450 millions d'euros a convaincu la majorité des organisations présentes.
La perspective d'un compromis était pourtant mal engagée hier. La veille, le ministre de la Santé avait coupé court aux revendications des médecins et refusé de signer un chèque supérieur à 400 millions d'euros, sa dernière proposition datée du 2 juillet. « Je crois qu'on s'est tout dit », a même déclaré Olivier Véran aux PH, à en croire le communiqué véhément diffusé par le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi (SNPHAR-E).
Mais devant le mécontentement général provoqué par cette fin de non-recevoir, le locataire de Ségur a convoqué à la dernière minute une nouvelle séance de négo dans l'après-midi de jeudi. Le ministre a alors proposé aux médecins une enveloppe réévaluée à hauteur de 450 millions d'euros, sur la trame de l'accord précédent.
IESPE à 1 010 euros brut pour tous
La version du texte, que « Le Quotidien » s'est procuré, prévoit une revalorisation à hauteur de 1 010 euros brut mensuels de l'indemnité d'engagement de service public exclusif (IESPE) pour tous les praticiens éligibles, quelle que soit leur ancienneté. Elle était jusqu'à présent fixée à 490,41 euros brut et 700 euros (au-delà de 15 ans). L'application se fera en deux temps. L'IESPE sera d'abord portée au 1er septembre 2020 à 700 euros brut (pour la première tranche en vigueur actuellement) avant d'atteindre son niveau cible le 1er mars 2021.
En plus d'acter la « suppression des trois premiers échelons » de la grille de rémunération des PH, le texte en crée trois nouveaux en fin de carrière avec des durées d'avancement de quatre ans. Les deux premiers seront revalorisés de 5 000 euros brut annuels et le dernier de 7 000 euros brut annuels.
Cet effort en « sommet de grille » représente une hausse de 400 à 600 euros brut mensuels par rapport au dernier échelon actuel fixé à 7 500 euros brut mensuels. Le ministère évalue cet effort à 100 millions d'euros par année pleine. Cette mesure sera effective à compter du 1er janvier 2021.
Pas de revalorisation de la PDS et du TTA
En revanche, aucun engagement n'est pris à ce stade concernant les indemnités de garde et d'astreinte. Le premier document prévoyait pourtant une revalorisation de 20 % des gardes les week-ends et les jours fériés (environ 100 euros supplémentaires) et de 20 % également du temps de travail additionnel (TTA). Le choix a été fait de cibler l'effort sur l'IESPE et les échelons.
À la place, des mesures spécifiques relatives aux retraites des praticiens hospitalo-universitaires ont fait leur apparition. Elles garantissent une prise en compte des services à l'hôpital réalisés avant la nomination en qualité de PH, une prise en compte des primes et indemnités perçues en cours de carière et un renforcement des dispositifs d'épargne-retraite pour les hospitalo-universitaires. Un réaménagement de la grille des échelons concernant la valence hospitalière sera engagé parallèlement au bénéfice des praticiens hospitalo-universitaires, lit-on dans le projet d'accord.
Refondation
« Ce n'est pas rien », s'est félicité le Dr Rachel Bocher, présidente de l'Intersyndicat national des PH (INPH) qui qualifie l'accord de « plus grande revalorisation depuis 20 ans ». Si la psychiatre nantaise est « partie pour signer », elle regrette quelques angles morts notamment sur le temps de travail et les gardes. Le texte a pour elle le mérite « d'ouvrir différents chantiers et de proposer des mesures qui s'adressent à tous les praticiens ». « C'est une première étape de refondation », résume la syndicaliste.
« C'est un protocole juste », salue quant à lui le Dr Norbert Skurnik de la Coordination médicale hospitalière (CMH) qui devrait aussi parapher le texte. En intégrant les différents éléments, le psychiatre chiffre « entre 800 et 1 300 euros » la revalorisation mensuelle dont vont pouvoir bénéficier ses confrères. Il espère toutefois de nouvelles discussions sur la carrière des hospitalo-universitaires ainsi que sur les gardes et astreintes. Le Pr Sadek Beloucif, président du Syndicat national des médecins, chirurgiens, spécialistes et pharmaciens des hôpitaux publics (SNAM-HP), a aussi indiqué vouloir parapher le protocole.
Seule l'intersyndicale Action praticiens hôpital (APH) devrait rejeter le projet soumis par Olivier Véran. La structure refusait de se contenter d'un accord muet sur le temps de travail et les gardes. Prévenus au dernier moment, ses représentants n'ont même pas pu assister à la dernière réunion. « Ce n'est pas une méthode de dialogue social », peste Jacques Trévidic, président d'APH.
Accord arraché
Mais avec l'engagement probable de trois syndicats sur quatre, le protocole obtiendrait la majorité des voix des syndicats de praticiens. Ainsi le gouvernement réussirait-il son pari de boucler le Ségur avant la mi-juillet...
Invité ce vendredi 10 juillet de la matinale de RMC, Olivier Véran a déjà salué un « accord arraché » avec les médecins. Sur l'ensemble du Ségur, le ministre salue « la plus grosse augmentation de revenu qui n'a jamais été négociée dans ce pays ».
Avec une certaine émotion, le neurologue se félicite de l'issue proche des négociations pendant lesquelles il a passé « plus de 40 heures en bras de chemise avec les syndicats, parfois jusqu'au cœur de la nuit » pour parvenir à un compromis.
Les syndicats ont jusqu'à lundi 13 juillet pour consulter leur base et signer de manière définitive le texte. Les annonces officielles sont attendues dans le courant de la semaine à l'occasion d'un déplacement d'Olivier Véran.
Avec le #SégurDeLaSanté, toutes celles et ceux qui prennent soin de nous au quotidien à l'hôpital verront de manière très concrète une hausse inédite de leur pouvoir d’achat pic.twitter.com/N96kCN9Va9
— Olivier Véran (@olivierveran) July 10, 2020
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