La conciliation médicamenteuse

Errare humanum est, perseverare diabolicum

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Publié le 04/06/2018
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Associer « médicamenteuse » à « conciliation » (résolution d’un conflit, du latin conciliato « union ») surprend. Quel est ce conflit ? Quelle situation conduit la HAS à publier ce guide ?

La HAS définit la conciliation par « une démarche de prévention et d’interception des erreurs médicamenteuses visant à garantir la continuité de la prise en charge médicamenteuse du patient dans son parcours de soins ».

Au fil du parcours de soins, chaque transition est source d’erreurs sur les médicaments pris par le patient. « De nombreux accidents iatrogènes résultent d’une transmission d’information erronée. Les séniors sont les plus exposés à cette iatrogénie. Ils cumulent les pathologies, ont des polymédications complexes et un parcours de soins émaillé d’hospitalisations », explique le Dr Jean-Baptiste Beuscart, gériatre au CHRU de Lille. Il a participé au groupe de travail de la HAS qui a élaboré le guide et les outils téléchargeables (pour diffuser la conciliation médicamenteuse dans l’ensemble des établissements de santé).

Collaboration pharmacien médecin

Pour améliorer la transmission d’informations, une conciliation médicamenteuse d’entrée et de sortie voit le jour en milieu hospitalier. Elle est essentielle aux yeux des gériatres. Le pharmacien hospitalier a un rôle clé. Son enquête est déterminante.

« En début d’hospitalisation, avant la conciliation médicamenteuse, il y a presque toujours une ou plusieurs erreurs dans la prescription initiale hospitalière : l’équipe médicale ignore que le patient a un traitement, en prescrit un autre alors qu’il est arrêté à domicile, ou se trompe de posologie… », note le Dr Beuscart. L’erreur est humaine. Sans conciliation médicamenteuse, elle risque d’être maintenue pendant toute l’hospitalisation et dans l’ordonnance de sortie.

La HAS recommande au pharmacien hospitalier de se fier à au moins trois sources (médecin traitant, pharmacien de ville, malade ou aidant, ordonnance…) pour établir le bilan optimisé des traitements (liste exacte des traitements pris par le patient en ville sous réserve d’inobservance, de nomadisme médical, de consommations cachées). Il pourra ensuite identifier les divergences entre cette liste et la prescription hospitalière et interroger les médecins hospitaliers : sont-elles (ou non) connues et voulues ?

Si la conciliation médicamenteuse d’entrée vise à sécuriser la prescription hospitalière, le but de la conciliation des traitements de sortie est de sécuriser la prescription à domicile au décours de l’hospitalisation. Le bilan optimisé des traitements réalisé à l’entrée est confronté au traitement de sortie et les traitements classés selon qu’ils sont interrompus, poursuivis non modifiés, poursuivis modifiés, ou introduits.

La synthèse claire est adressée au médecin traitant. Ainsi, quand un médicament n’apparaît plus dans l’ordonnance de sortie, le médecin traitant n’a plus à se demander si c’est un oubli ou un arrêt délibéré. Car cette imprécision est sinon, source de iatrogénie (non-prescription d’un médicament oublié, prescription d’un médicament délibérément arrêté…).

« La conciliation médicamenteuse s’adresse aujourd’hui à une proportion de plus en plus importante de patients âgés, chez lesquels les multiples hospitalisations favorisent les erreurs de prescription. Cette amélioration des pratiques de soin se traduit par des appels plus fréquents des pharmaciens hospitaliers aux médecins traitants », précise le Dr Beuscart.

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du médecin: 9670