Au congrès annuel des urgences, des solutions du terrain pour résoudre la crise

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Publié le 07/06/2023
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Crédit photo : Phanie

L'exercice de la médecine d’urgence « n’a jamais été aussi compliqué. Nos jeunes confrères nous le disent dès le premier mois, ils ne veulent pas rester dans ces conditions » à l’hôpital public, a déploré ce mercredi le Dr Marc Noizet, président du Samu-Urgences de France (SUdF). C'est dans ce contexte que, lors du congrès annuel Urgences 2023, organisé à Paris par la Société française de médecine d’urgence (SFMU) et SUdF, les deux syndicats ont fait un tour d’horizon des solutions pour remédier à l’encombrement chronique des services d'urgences.

Le président de SUdF attendait également « des engagements clairs » de François Braun, attendu au congrès cet après-midi, « pour que l'on voit enfin une lumière au bout du tunnel ». Dans un entretien au « Quotidien », le ministre de la Santé est revenu sur sa méthode et les prochaines étapes, dans un contexte où le président de la République s'est engagé à « désengorger tous les services d'urgence » d'ici à fin 2024.

Généraliser la régulation des urgences

Sans surprise, SUdF soutient l'une des mesures du gouvernement pour faire face à la crise : la généralisation organisée de la régulation de l'accès aux urgences par le 15, qui doit permettre de mieux filtrer les passages. Pour le Dr Noizet, il s’agit d’un « outil supplémentaire pour mieux "filiariser" le patient qui n’est pas toujours dans la bonne filière de soins ». Car le constat est largement partagé : « Les urgences ne sont plus en capacité d’accueillir tous les patients qui se présentent », estime le chef de service du Samu et du Smur 68.

D’où l’importance d'organiser l’accès aux urgences – via le 15, le service d'accès aux soins (SAS) ou une régulation à l’entrée du service. Ce dispositif « ne va pas diminuer l’activité d’un service à hauteur de 50 %, mais on est en est capacité de réduire l’activité de 15 à 20 %. Et, surtout de réorienter les patients dans des filières de soins adaptées à leurs besoins », ambitionne le président de SUdF.

« Réadapter notre modèle »

Selon lui toutefois, cette régulation a été trop « brutale » l’été dernier. Or, « quand on fait brutalement les choses, soit c’est mal compris, soit c’est mal adapté, et cela mène à des situations d’échec », juge l’urgentiste, donnant l’exemple d'hôpitaux qui ont été contraints de « faire machine arrière, de rouvrir les vannes ». Pour gagner en efficacité, il faudra d’après lui communiquer auprès du grand public mais aussi proposer « une offre alternative » en fonction du degré de maturité des territoires.

De son côté, le Pr Karim Tazarourte, président de la SFMU, considère qu’il faut « réadapter complètement notre modèle face à des patients chroniques et polypathologiques et au vieillissement de la population ». Si les patients continuent à patienter aux urgences, c’est avant parce que « l’hôpital n’a pas fait sa révolution », analyse le chef de service du Samu 69-Urgences à l'hôpital Édouard-Herriot (Lyon). Selon lui, la moitié des patients qui se présentent aux urgences ne relèvent pas de la médecine d’urgence. Il est donc primordial de leur proposer « d’appeler au préalable le SAS ou leur médecin traitant. Et, s’ils se déplacent, ils doivent être pris en compte et "refiliarisés" dans des unités susceptibles de les prendre en charge », résume le Pr Tazarourte.

La question de l'aval

Pour résoudre l’équation, il faudra également s’attaquer à la problématique de l’aval, plaide la Dr Agnès Ricard-Hibon. Cheffe de service du Samu-Smur 95 (Pontoise), l’urgentiste considère que l’aval car est « la cause majoritaire de l’embolie des urgences », ce qui entraîne « une surmortalité hospitalière de 9 %, tous patients confondus et de 30 % pour les patients les plus graves ».

Cette problématique « n’est pas une fatalité », estime l’urgentiste qui rappelle que le Besoin journalier minimal en lits (indicateur BJML) permet de connaître « le nombre de lits dont on a besoin pour libérer les urgences et les besoins par spécialité ». Selon elle, il tout à fait possible de « mettre une offre de soins en face des besoins car ils sont prévisibles ». Une analyse aussi développée par François Braun. 

Des unités mobiles hospitalières paramédicalisées

La Dr Catherine Pradeau mise de son côté sur les unités mobiles hospitalières paramédicalisées (UMHP) pour résoudre la crise des urgences. Composées d’un ambulancier et d’un infirmier de Smur, ces équipes, au stade de l’expérimentation, pourraient intervenir lorsque le cas ne nécessite pas la présence d’un médecin. « Pour une hypoglycémie, l’infirmier est capable de faire le diagnostic et de "resucrer" le patient, sans avoir besoin d’un médecin », illustre l’urgentiste. Il précise aussi qu’un médecin peut, à distance, prescrire des médicaments à l’infirmier sur place. Objectif : « graduer et optimiser la réponse », pour avoir, à terme une « réponse médicale, paramédicale et ambulancière ».


Source : lequotidiendumedecin.fr