Actuellement objet d'une mission flash dont les conclusions sont attendues le 28 juin prochain, les services d'urgences sont au centre de l'attention à l'approche de l'été. C'est dans ce contexte que les représentants de la pédiatrie* veulent aussi faire entendre leur voix et se sont « autosaisis » de la problématique des enfants aux urgences, qui représentent près de 30 % des 22 millions de passages annuels dans un contexte de situation « très dégradée ».
Selon eux, près d'une soixantaine de services de pédiatrie et d'urgences pédiatriques sont en difficulté et pourraient entraîner, cet été, des fermetures temporaires ou une activité réduite, y compris dans les gros établissements (tels que Metz, Nancy, Orléans, Poitiers, Nice, Necker à Paris, Nantes, Toulouse, Caen ou les Hospices civils de Lyon).
Si une partie des causes sont les mêmes que pour les urgences adultes, certaines spécificités aggravent la situation du secteur. La profession souligne la faible reconnaissance et le déficit historique de moyens en personnels et en matériels des urgences pédiatriques, sur tout le territoire, ainsi que le manque de lits d'aval, lié aux fermetures des dernières années.
Les crises se sont accumulées, avec « un retard historique en pédopsychiatrie » et une concentration des difficultés sur les urgences pédiatriques, porte d’entrée des hôpitaux pour enfants et adolescents et maillon essentiel pour le dépistage et la prise en charge des situations de négligence et de maltraitance.
Exigence
À cela s'ajoute une « très faible » offre de soins d’urgences spécialisées pour enfants dans le secteur privé, et l'absence d’alternative en ville pour de nombreuses surspécialités pédiatriques (traumatologie, ORL, cardiologie etc.) concentrant l'afflux de jeunes patients vers l'hôpital. Les créneaux de soins non programmés sont également beaucoup plus réduits en ville pour les enfants. Quant à la régulation pédiatrique par les centres 15, elle est compliquée compte tenu « du volume des appels et de la difficulté de l’exercice » sans formation spécifique en pédiatrie.
Dans de nombreux établissements, vient aussi se rajouter la crise des maternités avec des pédiatres devant gérer, à la fois, des hospitalisations, des consultations programmées, mais aussi les salles de naissance voire de la néonatalogie, et les urgences pédiatriques. Une activité « exigeante » la nuit et le week-end, souvent encore peu reconnue (notamment en centre hospitalier), ce qui entraîne « une sous-estimation » des moyens pour la permanence des soins, qui « incite » des établissements à baisser cette activité.
Garde libérale de pédiatrie
Partant de cet état des lieux plutôt sombre, la communauté pédiatrique formule dix recommandations. Elle appelle en premier lieu à « soutenir et aider » les pédiatres ambulatoires et les médecins généralistes à assumer des soins non programmés comme alternative aux urgences (par exemple avec un assistant médical). Elle se prononce également en faveur de la poursuite ou la reprise du travail des retraités, sous la forme d’une incitation financière et d'une exonération de charges.
Les médecins de l'enfant proposent aussi de créer une « garde libérale » en pédiatrie et en médecine générale aux heures ouvrables (locaux ou créneaux dédiés) pour accueillir les jeunes patients réorientés, de renforcer la permanence de soins libérale la nuit et les week-ends, et de l'étendre au samedi matin. Ils souhaitent aussi développer une régulation spécifique à la pédiatrie et mieux orienter les familles (IPA, puéricultrices) pour limiter les passages ne relevant pas de l’urgence.
Objectifs de lits
À l'hôpital, il faut « ouvrir et optimiser » l’utilisation de tous les lits de pédiatrie de manière « adaptée à l’activité saisonnière », très marquée en pédiatrie, en définissant des objectifs de lits de pédiatrie aiguë par région, avec une aide de l’agence régionale de santé (ARS) et une marge de sécurité. Un effort est également demandé pour rattraper le retard historique des urgences pédiatriques par rapport aux urgences adultes, avec une hausse du nombre de personnels médicaux et paramédicaux formés à l’urgence pédiatrique.
Le forfait de passage aux urgences pédiatriques doit aussi être revalorisé et les personnels incités à rester à l'hôpital public via « des signaux forts » dont la revalorisation des salaires et des gardes. Les pédiatres préconisent enfin d'instaurer un système de « bed manager », d'investir dans le renouvellement du matériel et dans des solutions permettant de réduire le temps de passage des patients (biologie délocalisée, matériel d’imagerie portatif, bon usage des examens complémentaires).
* Conseil national professionnel de pédiatrie (CNPP) ; Société française de pédiatrie (SFP) ; Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA) ; Groupe francophone de réanimation et d’urgences Pédiatriques (GFRUP) ; Syndicat national des pédiatres des établissements hospitaliers (SNPEH) ; Syndicat national des pédiatres français (SNPF).
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