Éditorial

Le privé à l'offensive

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Publié le 26/09/2019

Crédit photo : S. Toubon

Pour désengorger les urgences, le recours au privé est-il la carte à jouer ? Dans son plan, la ministre a battu le rappel de la médecine libérale, mais elle a fait l’impasse sur les cliniques. Le président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) se fait fort pourtant de doubler le nombre de patients pris en charge par ces établissements si on leur laissait la bride sur le cou. Il suffirait, plaide-t-il, que plus de structures soient agréées, en sus des 121 sites en fonction, avec une régulation des appels moins discriminatoire.

La revendication n’est qu’une nouvelle illustration des ambitions actuelles des cliniques. Certains groupes lorgnent désormais sur les soins primaires. Et dans le débat sur l’accès à la PMA, ils réclament la parité de traitement avec le public. Leur offensive sur les urgences était plus attendue (après tout, ils y sont depuis 1995), mais porte davantage à conséquence. Avec son lot de paradoxes et d’ambivalences. On envie les cliniques pour leur souplesse et leur réactivité. Mais en même temps, on leur reproche de n’accueillir qu’une partie de la file active, au détriment des cas lourds et des personnes âgées.

Du côté des acteurs publics, la méfiance est plutôt de mise, car l’enjeu est colossal en termes de recrutement de patientèle. Avec les urgences, on est au cœur du service public. Et les défenseurs de l’hôpital se sont toujours inquiétés qu’un acteur commercial s’y taille un jour la part du lion. En son temps, Marisol Touraine voulait même conditionner l’agrément urgences à l’engagement des cliniques concernées de bannir les dépassements sur la totalité de leur activité. Lancée au plus fort des «années de plomb» qui pourrissaient alors les relations avec l’avenue de Ségur, la tentative a fait long feu. Agnès Buzyn, de culture PU-PH, mais qui est parvenue à réconcilier les cliniques avec leur tutelle, sera-t-elle celle qui fera du privé un acteur à part entière du service public hospitalier ? Ce serait une petite révolution.

Jean Paillard

Source : Le Quotidien du médecin