C’est une « innovation technologique majeure » qui pourrait « potentiellement désengorger les urgences », avance Marc du Charlat, responsable des marqueurs cardiaques chez Siemens Healthineers. L’entreprise vient de développer un test de troponine hautement sensible réalisable directement au chevet du patient, en biologie délocalisée. Une innovation qui pourrait, à terme, rationaliser le processus d’évaluation de la douleur thoracique et améliorer la prise en charge des patients aux urgences, en réduisant fortement les délais d'attente et de prise en charge.
L’analyseur d'immunoanalyse Atellica® VTLi délivre ainsi des résultats précis aux cliniciens et au laboratoire référent en moins de dix minutes, contre « 80 minutes en moyenne, si un biologiste est présent sur le site, alors que les recommandations de la Société européenne de cardiologie sont de 60 minutes », précise Marc du Charlat. Le CHU de Poitiers et l'hôpital de la Pitié Salpêtrière utilisent déjà le dispositif et une trentaine d’établissements seraient « en discussion », selon la société.
L'implémentation de ces tests aux urgences (ou en amont via les Smur) pourrait procurer un gain de temps majeur quand on sait qu’environ 1,1 million de patients admis chaque année aux urgences présentent des douleurs thoraciques. Or, seuls 10 % d’entre eux relèvent effectivement de l’urgence vitale.
Pour savoir s’il s’agit d’un infarctus, le protocole classique de diagnostic repose sur plusieurs étapes : un interrogatoire clinique, un ECG et le dosage de la troponine. Nécessaire, l’ECG n’est en effet pas suffisant pour exclure totalement le syndrome coronarien aigu (SCA). « Mais nous nous heurtons à une limite puisque l’examen de biologie demande du temps, souvent augmenté par la nécessité de procéder à un second dosage, précise le Dr Guenezan, responsable adjoint des urgences du CHU de Poitiers. Nous arrivons donc à des cycles pouvant dépasser plusieurs heures ».
Dosage en huit minutes
Depuis un an, son service utilise cette innovation dans le cadre d’une étude. « Nous avons créé une grosse cohorte de 800 patients qui ont présenté des douleurs thoraciques pré-hospitalières, explique le Dr Guenezan. Nous avions emporté l’analyseur, qui a la taille d’une grosse gameboy, dans le camion du Smur ou au domicile du patient et nous avons ainsi pu faire le dosage au plus près du patient ». L’analyseur portatif sans fil permet de réaliser un dosage précis de troponine grâce à un simple prélèvement capillaire réalisé sur le doigt du patient. « Nous avons les résultats entre sept à huit minutes après le dosage », se réjouit l’urgentiste.
De surcroît, les professionnels ont régulièrement besoin de faire une deuxième troponine pour savoir si le patient fait ou non un infarctus. Dans ces circonstances, « nous atteignons très rapidement cinq à six heures de prise en charge. Avec la biologie délocalisée, nous pourrions faire le deuxième dosage deux heures après, voire une heure après le premier », projette le Dr Guenezan.
L’urgentiste est persuadé que la diffusion de cette innovation permettrait d’améliorer les conditions de travail des urgentistes. « Si nous faisons en sorte que, de manière sécurisée, le patient reste moins de temps aux urgences, nous allons forcément diminuer la charge de travail et nous aurons davantage de temps pour les autres patients », avance le médecin.
Un million d'heures d'attente épargnées ?
Pour tenter de chiffrer les effets de cette innovation aux urgences, Siemens Healthineers a confié au cabinet Asterès la conduite d’une étude d’impact médicoéconomique sur l’utilisation de ces tests de troponine hautement sensible au chevet des patients. Parmi ceux admis aux urgences pour une douleur thoracique chaque année, près de 800 000 y reçoivent un ou deux dosages de troponine. Les résultats sont sans appel : les effets du seul gain de temps lié au temps de rendu du test (scenario 1) et de la combinaison des gains de temps liés au temps de rendu et à l’attente réduite entre deux tests (scenario 2) conduiraient à des économies respectives de « 944 000 et 1,834 million d’heures par an ».
À la clé, selon l'étude, une« baisse du temps d’attente moyen des autres patients de 2,2 % et 4,3 % » et un possible allègement de la charge de travail des soignants des urgences « de l’ordre de 468 000 à 909 000 heures par an » (si tous les gains y étaient réalloués). Selon les scénarios, cette innovation pourrait procurer des « économies de coût de 90 millions d’euros et 176 millions d’euros par an, si le gain de temps est utilisé pour réduire à terme les dépenses des services d’urgences ».
Selon Siemens, le coût d'équipement des services d'urgences et celui des tests s'élèveraient à 21 millions d'euros la première année puis 15 millions les années suivantes.
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