Formation universitaire

Face aux influences et aux liens d'intérêts, des initiatives multiples mais dispersées

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Publié le 12/02/2021
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La question du marketing pharmaceutique pendant la formation universitaire provoque de nombreuses initiatives depuis une décennie. Doyens, étudiants et autorités de santé cherchent la parade.
Les étudiants veulent être davantage formés à la communication de l'industrie

Les étudiants veulent être davantage formés à la communication de l'industrie
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Comment garantir une formation universitaire des soignants fiable et libre des influences du marketing pharmaceutique ? En France comme partout dans le monde, la question a pris beaucoup d'ampleur dans les facultés de médecine depuis une dizaine d'années.

Goodies high-tech des laboratoires, formations ciblées sur des nouveautés ou du matériel, mention des noms de marques à la place des DCI… : les jeunes sont confrontés, dès les premières années d'études, à des stratégies marketing diverses qui s'apparentent à des influences parfois inconscientes.

Depuis 2014, la conférence des doyens de médecine et les représentants étudiants ont signé une charte éthique et déontologique afin de formaliser et homogénéiser leurs pratiques dans ce domaine. Cette charte répond à une exigence, notamment en regard de l’intégrité scientifique et professionnelle et des liens d’intérêts.

Déni

Des enseignements spécifiques ont été instaurés, encore rares. À Bordeaux, le collège santé de l'Université a lancé une formation de 4h intitulée « analyse critique de la promotion pharmaceutique ». Conçu par le département de médecine générale (DMG), ce cours sensibilise aux méthodes commerciales et promet de décoder les leviers de la promotion dans le secteur du médicament. À Nice, le Dr Adriaan Barbaroux, généraliste chef de clinique, a mis en place en 2019 les « Journées de l'esprit critique » avec Robin Jouan, interne en psychiatrie. Une formation pour sensibiliser très tôt aux relations avec les visiteurs médicaux et à la prévention des conflits d'intérêts.

Le Dr Matthieu Calafiore, généraliste et directeur du DMG de la fac de Lille, abonde en ce sens. Un cours de 6h sur les conflits d'intérêts a été introduit au cours du 3e cycle. « Il sensibilise à l'exposition inconsciente des jeunes aux stratégies, a-t-il expliqué lors d'une journée débat organisée fin janvier par « Prescrire ». Les étudiants sont persuadés d'être indépendants de l'industrie. On essaye de leur montrer leur déni d'influence. » Outre la question des prescriptions, ce cours permet de décrypter la communication de l'industrie du médicament. « Plus on est conscient de cette influence, plus on peut s'en détacher », résume le généraliste des Hauts-de-France.

Sens critique

Mais ces actions ont souvent un goût de trop peu pour la jeune génération, particulièrement sensible à ces problématiques. Très active, l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG) réalise des campagnes de sensibilisation sur les réseaux sociaux depuis 2018 : le « #NoFreeLunch » pour éclairer les jeunes sur l'impact du marketing pharmaceutique dans leur pratique quotidienne, et en 2020, « #UneCampagneSansIntérêt  ? » avec l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF).

Pour donner un nouveau coup d'accélérateur, les juniors voudraient, à l'instar des doyens, davantage d'enseignements ciblés dans le cursus, et plus précocement. Le sujet des influences commerciales a été évoqué lors du premier cycle en pharmacologie et le Pr Patrice Diot, patron de la conférence des doyens, estime qu'il faudrait sensibiliser les carabins lors du second cycle. « Pourquoi ne pas mettre des étudiants en interaction avec les visiteurs médicaux lors des ECOS [examens cliniques objectifs et structurés, NDLR] pour les guider ? », interroge-t-il.

Du jour au lendemain

Des efforts pourraient être portés dans le cadre des cours de lecture critique d'articles. Car la distance nécessaire fait parfois défaut, témoigne Emmanuelle Lebhar, interne en médecine générale, chargée de l'indépendance professionnelle et réseaux sociaux au Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG). « Nous sommes autorisés à prescrire du jour au lendemain ! Or, on recopie souvent ce qui est fait dans le service… » Le Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR) plaide pour que les enseignants et les praticiens installés se forment systématiquement à ces thématiques, à la faveur notamment du développement professionnel continu (DPC). 

Sophie Martos

Source : Le Quotidien du médecin