« Aujourd’hui ton violeur, demain ton docteur » ; « étudiant.e pas morceau de viande » ; « ici sont protégés et formés des violeurs ». Ces messages ont été collés sur les murs de la faculté de médecine de Tours dans la nuit du 14 au 15 avril, avant d’être relayés sur les réseaux sociaux. Dans une publication Instagram, le collectif féministe « Actions féministes Tours » a revendiqué l’acte, parlant « d’une situation gravissime », soit le harcèlement sexuel « en cours et sur leur lieu de stage » des étudiants, affirmant que « la direction et le CHU sont au courant, mais rien n’est fait pour protéger les victimes ni punir les agresseurs ».
Cet événement relance une affaire datant d’il y a plus de deux ans. Un étudiant en médecine a fait l’objet de cinq plaintes pour viol et agressions sexuelles. Lors de la dernière, il a été mis en examen, puis placé deux mois en détention provisoire et libéré sous contrôle judiciaire en novembre 2020. L’affaire est toujours en instruction. Tous ces faits se seraient déroulés à l’issue de soirées arrosées hors des murs de l’université. Aujourd’hui, âgé de 24 ans, il poursuit ses études à l’université de Limoges en tant qu’externe.
Indignation de l'Anemf
« S’il a pu aller à Limoges, cela suppose une lettre de soutien du doyen de la faculté de Tours », affirme le nouveau président de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) Alexis Loupan, qui a exprimé son indignation dans un communiqué publié le mercredi 20 avril. « À nos yeux, le doyen devrait écarter l’étudiant des terrains de stage et de cours. Pourquoi aucune mesure préventive n’a été mise en place ? », s’interroge-t-il. Cette incompréhension est d’autant plus vive qu’un an auparavant, l’Anemf publiait son enquête sur les violences sexistes et sexuelles et provoquait dans la communauté médicale et universitaire un grand séisme. À la suite de celle-ci, un plan contre les violences sexistes et sexuelles avait été lancé par le gouvernement.
En ce moment, à la faculté de médecine de Tours. pic.twitter.com/OhoE76DzVi
— Eul toubi (@BastienDmt) April 15, 2022
À La Nouvelle République, le doyen Pr Patrice Diot a affirmé trouver l’action des féministes tourangelles « excessivement violente » et a fait part de son « incompréhension ». Il a également confirmé que l’étudiant n’est plus à Tours. « Nous avons souhaité qu’il change d’université, compte tenu des charges qui pesaient sur lui ». Le collectif féministe a néanmoins relayé une autre version de l’histoire : « le doyen de la faculté aurait également protégé un étudiant accusé de viol par plusieurs étudiantes, et essayé de faire culpabiliser les victimes. Il aurait facilité le transfert dudit étudiant dans une autre faculté, en lui rédigeant une lettre de recommandation. »
Vers une enquête du ministère ?
Alexis Loupan, de l’Anemf, est déterminé à faire en sorte qu'une enquête soit diligentée. « La faculté ne se saisit pas de l’affaire, alors que les étudiants s’en plaignent. Nous ne voulons pas qu’elle soit étouffée : nous réclamons une enquête du ministère de l’Éducation supérieure. Cet étudiant doit être jugé avant qu’il ne devienne médecin et s’inscrive à l’Ordre ». Mais ce qui a mis le feu aux poudres, en fin de semaine dernière, c’est que le mis en cause aurait fait un stage dans un service de gynécologique en Nouvelle-Aquitaine. L’avocat de quatre victimes, Me Marc Morin, a réagi lui aussi dans La Nouvelle République. « Bien qu’il existe une présomption d’innocence, il apparaît inconcevable qu’un étudiant en médecine mis en examen pour agressions sexuelles et viol puisse choisir et se voir accorder un stage en gynécologie. Cela dépasse l’entendement. »
Dans un courriel adressé aux enseignants et aux étudiants le mardi 19 avril, le Pr Patrice Diot a expliqué porter plainte pour diffamation et pour intrusion et dégradation des locaux de la faculté. Il s’est également exprimé sur le fond. « J'avais été informé en 2020 par des étudiantes d'un dépôt de plainte à l'égard d'un de leurs condisciples. J'avais immédiatement et définitivement suspendu la présence de l'étudiant mis en cause à la faculté et sur les lieux de stage et proposé aux étudiantes le soutien de la faculté. » Il s’est également voulu intransigeant. « Il n'est pas question d'avoir la moindre complaisance à l'égard de comportements ou de propos sexuels ou sexistes, et je me suis engagé fortement sur le sujet, en lien avec les représentations étudiantes et toutes les parties prenantes tout au long de mon mandat à la présidence de la Confédération des doyens de médecine et dans mon action au sein de la faculté. »
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