Déserts médicaux

Le « SMIC jeune généraliste » est-il la solution ?

Publié le 27/09/2013
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C’est la grande nouveauté de cette rentrée 2013. Annoncé il y a presque un an, en décembre dernier, à Scorbé-Clairvaux, dans la Vienne, en présence de Ségolène Royal, le Pacte Territoire Santé promettait 12 engagements des pouvoirs publics pour lutter contre la désertification médicale. Parmi les mesures phares, le contrat de praticien territorial en médecine générale est désormais devenu réalité. Revue de détail d’un contrat pas comme les autres.

Gadget ou idée de génie ? L’idée paraît novatrice et surfe sur l’engouement du salariat chez les jeunes médecins. Annoncé par Marisol Touraine dans son Pacte Territoire Santé, le dispositif de « praticien territorial en médecine générale » propose, en effet, aux médecins installés depuis moins d’un an, ainsi qu’à tous ceux qui souhaiteraient franchir le cap de l’installation, de signer un contrat avec les Agences régionales de santé (ARS). En contrepartie d’un revenu minimum annuel garanti (en cas d’activité insuffisante) de l’ordre de 55 000 euros, soit 4 600 euros brut par mois, les signataires s’engagent à exercer dans une zone « blanche » pendant deux ans. Mais ce n’est pas tout : le dit contrat a également l’avantage d’apporter une protection sociale aux signataires dans le cadre d’un arrêt maladie ou d’un congé maternité. Dans le premier cas, le délai de carence passe de 90 jours avec le régime libéral classique à 7 jours. Pour le congé maternité, le médecin continuera à percevoir un forfait pendant les 16 semaines de son arrêt.

Publié mi-août au Journal Officiel, le dispositif n’a, pour l’heure, suscité aucune hostilité, si l’on excepte les sarcasmes du Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG) qui le qualifie de « gadget de l’été ». Le syndicat a calculé que le médecin devra, s’il signe ce contrat, produire un quota de recettes, soit 3 795 euros minimum par mois et, donc, une moyenne de 8 actes par jour. Au premier abord cette moyenne peut paraître facile à atteindre. Mais, sur le terrain, la perception n’est pas la même. « Notre expérience de remplaçants et de jeunes installés montre que ce seuil peut se révéler difficile à atteindre », assure le SNJMG qui, sur cette affaire, semble faire cavalier seul parmi les jeunes. Les internes de médecine générale de l’ISNAR-IMG et le regroupement des jeunes généralistes remplaçants et installés RéAJGIR ont, en effet, accueilli à bras ouverts cette nouvelle mesure.

Les ARS mettent le paquet

Avec 200 contrats répartis sur tout le territoire – DOM-TOM compris – (voir carte ci-contre), ce « SMIC jeune » peut-il changer la donne et permettre de favoriser l’installation ou s’agit-il d’un simple coup de com’ ? Depuis quelques semaines, les ARS semblent, en tout cas, vouloir mettre le paquet. On l’a vu notamment avec la première signature fortement médiatisée de ce contrat en Ile-de-France début septembre.

Installée dans un cabinet de groupe à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), là où elle avait déjà fait un stage, le Dr Tiphaine Loiseaux(voir Le Généraliste n° 2652, p. 5) a signé ce contrat début septembre avec l’ARS pour une durée de deux ans. Si la jeune généraliste juge l’idée « bonne », lui permettant de « consolider » son installation, elle admet que, de toute façon, elle se serait installée au même endroit avec ou sans ce contrat. Reste que, dotée de 15 contrats, l’ARS Ile-de-France s’est sérieusement mise à l’ouvrage. Un vrai de travail de bénédictin l’attend. « Dans chaque département, il y a une permanence locale où les projets d’installation sont répertoriés. On a donc un historique des premiers professionnels qui se sont installés au début de l’été. Nous nous chargeons ensuite de les contacter, de les rencontrer et de leur parler du contrat », explique Julien Galli, responsable SROS au sein de l’ARS Ile-de-France.

Dans d’autres régions – le Centre, par exemple, qui propose 13 contrats – on s’adresse davantage à des médecins déjà installés même dans des zones non classées déserts médicaux pour leur proposer de travailler aussi à temps partiel dans les zones « blanches ». Dans l’esprit du « contrat santé solidarité » de la loi Bachelot, mais sur la base du volontariat, « le praticien peut avoir son activité principale dans une zone qui n’est pas désert médical et avoir une activité secondaire dans une zone qui l’est et ainsi bénéficier des avantages du contrat », précise Edmond Guillou, coordinateur du Pacte Territoire Santé en région Centre. L’ARS a aussi fait le pari de rencontrer tous les médecins de la région installés depuis moins d’un an, qu’ils soient ou non sous un statut de collaborateur libéral !

Les annonces de signature se multiplient

Ailleurs, ce sont parfois les jeunes eux-mêmes qui contactent les ARS, voire des médecins sur le point de partir à la retraite ou encore d’autres professionnels de santé qui s’inquiètent de la disparition de l’offre médicale dans leur commune. C’est le cas en Alsace d’un pharmacien situé dans le canton de la Petite-Pierre qui a prévenu l’ARS. « Deux médecins voulaient s’installer sur ce canton mais le pharmacien du village a eu peur qu’ils ne le fassent plus parce que ces derniers rencontraient un certain nombre de difficultés », raconte Katia Moos, référente installation à l’ARS Alsace.

Une en Ile-de-France, cinq en Auvergne, une en Alsace, une en Rhône-Alpes et une petite dernière en Picardie, à la MSP d’Oisemont, dans la Somme… Les annonces de signatures se multiplient. Un premier bilan est attendu au plan national fin septembre-début octobre. Mais, pour l’heure, elles semblent plutôt le fait de médecins qui avaient déjà le projet de s’installer et qui voient le contrat plus comme un « bonus » ou une aubaine qu’un élément déclencheur.

Pour la plupart, ce n’est d’ailleurs pas l’aspect financier qui les intéresse le plus mais bien la partie « protection sociale » qui leur assure des avantages sociaux au même titre que les salariés. Un constat que même les ARS sont prêtes à reconnaître. « C’est sans doute vrai que l’aspect financier n’est pas la raison qui motive leur choix mais plutôt l’aspect social, en particulier avec les avantages liés à la maternité », reconnaît Chantal Mehay, responsable adjointe au département personnel et professionnel rattaché à la direction de l’offre de soins de l’ARS Bourgogne.

?Le plan Touraine est-il une chance pour la médecine générale ?, Réagissez sur redaction@legeneraliste.fr

Caroline Laires-Tavares, caroline.laires-tavares@legeneraliste.fr

Source : Le Généraliste: 2654