Témoignage

« On soigne des maux créés par la prison elle-même »

Publié le 05/02/2021
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« Je suis généraliste, installé en libéral à Marignane, dans les Bouches-du-Rhône, et j’exerce une journée par semaine à la prison d’Aix-Luynes. J’y apprécie de collaborer avec des équipes très soudées : malgré l’adversité du milieu pénitentiaire, c’est agréable de venir travailler. Avec les patients, on passe par beaucoup d’émotions : cela va de l’empathie extrême pour le patient indigent, celui qui ne sait pas lire ou ne parle pas français, à la peur face au caïd que l’on sait redoutable et violent. Je ne cache pas qu’il s’agit d’un travail difficile. Il me paraît notamment inadmissible qu’au 21e siècle, on incarcère ou on garde en incarcération des personnes vulnérables, présentant un état de santé, notamment de santé mentale, gravement altéré. J’ai vu en prison des personnes auto-agressives, qui ont des gestes d’automutilation quasi-quotidiens, et restent dans leur environnement toxique alors que leur place pour aller mieux est ailleurs. D’autre part, on est souvent amenés à soigner des maux créés par la prison elle-même : une constipation liée à la promiscuité, une insomnie due au bruit… On a parfois l’impression de faire du symptomatique plutôt que du curatif. Mais cela reste un exercice extrêmement enrichissant, qui nous amène à nous interroger énormément sur notre éthique. »

Dr Simon Laugier, généraliste à Marignane (Bouches-du-Rhône)


Source : lequotidiendumedecin.fr