L’arrivée des chimiothérapies innovantes contre le cancer, selon le souhait des patients, conduit à une prise en charge plus fréquente des soins à domicile. « Pour nous, patients, la prise en charge à domicile est une avancée, mais aussi une source d’inquiétude sur la qualité de ce que devraient être ces soins », explique Sandra Doucène, directrice de Cancer Contribution, une association qui promeut la démocratie sanitaire en santé, lors des 14es Rencontres sur le cancer.
Pour que le virage ambulatoire se fasse dans de bonnes conditions, cela nécessite un effort d’information, d’anticipation et d’organisation inédit qui concerne tous les professionnels impliqués dans la prise en charge du patient, dans et hors les murs de l’hôpital. « Il faut être capable d’anticiper et de répondre aux situations imprévues », reconnaît le Pr Fabrice Barlesi. Dans ce cadre, le directeur médical de Gustave Roussy (Villejuif) rappelle que le médecin traitant a un rôle primordial dans le parcours. « C’est lui qui connaît parfaitement le patient, la famille, l’entourage. C’est à lui qu’il faut donner les outils pour connaître les médicaments, les stratégies mises en œuvre », insiste-t-il.
Des outils de coordination
Secrétaire général du l’URPS Médecins libéraux AuRA (Auvergne-Rhône-Alpes), le Dr Vincent Rébeillé-Borgella approuve totalement ces paroles. « Les médecins généralistes connaissent l’histoire du patient, ils ont une connaissance systémique de son contexte de vie », dit-il. Mais pour un meilleur accompagnement du patient, « il est essentiel d’avoir une fluidité d’échange avec l’équipe hospitalière ».
Selon le généraliste, cette coordination ville-hôpital reste encore à « optimiser ». « Les outils sont là, mais ils ne sont pas toujours utilisés », ajoute le médecin installé depuis 37 ans à Lyon. À commencer par la lettre de liaison qui comporte « le compte rendu d’hospitalisation, les examens complémentaires décidés ou les traitements modifiés ». « C’est mieux lorsque le médecin traitant la reçoit en temps réel après la sortie du patient. Cela permet d’être au courant pour répondre aux aidants ou à la famille », explique le médecin.
Autre outil indispensable pour la coordination : la mise en place d’un référent « avec une sorte de hot-line », pour permettre au médecin traitant d’avoir rapidement l’avis du spécialiste de l’hôpital. « On démarre souvent une situation complexe avec des traitements innovants. Nous ne sommes pas forcément à jour sur ces médicaments. Cette personnalisation entre la ville et l’hôpital permet de résoudre rapidement un problème pour le patient. C’est souvent quand il y a ce manque de lien et d’information que les choses ne se passent pas bien », dit-il.
Numérique et CPTS en renfort
Généraliste à Ifs en Normandie, le Dr Jacques Battistoni estime que dans chaque territoire, le médecin traitant connaît bien les intervenants du centre anticancéreux, du service oncologique du CHU ou encore l’équipe d’oncologie libérale exerçant en clinique. « Le problème pour nous est la multitude d’interlocuteurs », commente-t-il. Pour résoudre « ce problème », le président de MG France voit la création des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) pour « organiser la relation ville-hôpital » comme « un appui essentiel pour le médecin traitant ». « La CPTS va aussi former et informer l’équipe de soins primaires sur les protocoles de traitements, de prises en charges médico-sociales », ajoute-t-il.
Le développement de ce lien direct entre hospitaliers et équipe de soins de proximité nécessite la mise en place d’outils informatiques pour partager les informations. Ces outils doivent être sécurisés et garantir les données. Le dossier communicant en cancérologie (DCC), le dossier médical partagé (DMP) ainsi que la messagerie sécurisée constituent ces supports de partage et d’échange. « Le DMP n’est pas tout à fait opérationnel, car il manque le volet de synthèse médicale. En revanche, dans ma région, nous utilisons la messagerie de santé MonSisra, qui permet des échanges sécurisés entre professionnels de santé. Ce n’est pas le cas dans tous les territoires », regrette le Dr Rébeillé-Borgella.
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