Cesser son activité, ça s'anticipe !
À Baraqueville (Aveyron), le premier forum de la désinstallation – « ou comment préparer sa sortie » – a réuni une trentaine de généralistes libéraux, âgés de 58 ans et plus, à l'invitation de l'Ordre départemental. Son président, le Dr Didier de Labrusse, infatigable ambassadeur de son terroir et des praticiens qui y exercent, a piloté dans la bonne humeur cet après-midi de travail qui a montré des praticiens seniors désireux de passer le flambeau, mais souvent écartelés entre leur envie de prendre une retraite bien méritée et la crainte de laisser leurs patients sans successeur.
Que va devenir ma patientèle ?
Le département aveyronnais, pourtant majoritairement rural, dispose de particularités enviables : le territoire est plutôt bien maillé par 16 maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) et la balance entre installations et départs à la retraite de généralistes libéraux y est désormais excédentaire (plus deux médecins en 2015, et sans doute plus dix en 2016).
Les raisons qui ont poussé ces praticiens à venir s'informer au forum sont variées. Il y a ceux qui s'inquiètent pour la suite. Un généraliste de 60 ans, exerçant seul à Rodez, s'interroge : « Que va devenir ma patientèle alors que dans ma ville, les médecins partent à la retraite sans trouver quelqu'un à qui passer le flambeau » ? Il se demande même s'il ne devrait pas intégrer une MSP rapidement pour intéresser un successeur… Un confrère affiche clairement son pessimisme : « Les jeunes ne s'attachent pas à leur lieu d'implantation, ils viennent pour profiter de certains avantages. Le médecin de famille est mort ».
« Subir le même sort »
Ceux qui ont anticipé l'évolution des modes d'exercice ne sont pas forcément plus optimistes. Un généraliste exerçant au sein d'un réseau de trois MSP, et qui accueille des stagiaires, se veut lucide : « Même dans cette configuration, il ne sera pas évident pour moi de trouver un successeur », prophétise-t-il. Cela ne l'empêchera pas de partir à la retraite : « Au cours de ma carrière, continue-t-il, j'ai dû acheter ma patientèle, j'ai fait plein de gardes, j'ai travaillé dur et je sais très bien que je ne revendrai pas cette patientèle. Si je ne trouve personne, je partirai quand même ».
Un autre médecin de famille, âgé de 63 ans et exerçant en MSP rurale, est fataliste. Maître de stage, il parie que les jeunes ne voudront pas s'installer dans un village. « Certains confrères me disent "barre-toi tant que ça fonctionne encore" mais je ne veux pas prendre le risque de provoquer la disparition de la MSP ». Le Dr Didier de Labrusse analyse l'état d'esprit de ces généralistes sexagénaires. « Ils voient leurs aînés partir à la retraite sans successeur depuis 10-12 ans. Ils craignent de subir le même sort, même si notre démographie s'améliore un peu ».
Hors des MSP, point de salut ?
Les ateliers qui se sont succédé ont confirmé ce pronostic. Le Dr Alain Vieillescazes, généraliste promoteur d'une MSP à Rodez, partage son expérience et met les points sur les « i ». « Les jeunes privilégient l'exercice regroupé », chiffres à l'appui. En Aveyron 8 % des internes de médecine générale choisissent de rester sur place après y avoir effectué des stages – contre seulement 1 % pour d'autres départements de la région, moins structurés en maisons et pôles de santé.
Des représentants de l'agence régionale de santé (ARS), du conseil départemental (ex-conseil général, très impliqué dans l'accueil des jeunes médecins) et de l'URPS se succèdent au micro. Ils présentent la panoplie des aides existantes, dont le praticien territorial de médecine générale (PTMG) ou le contrat d'engagement de service public (CESP). Ces dispositifs incitatifs restent mal connus. Le Dr Mokoto Delahaye, membre du collège des généralistes enseignants, enfonce le clou. Davantage que les incitations financières, elle souligne que seuls les structures prudisciplinaires disposant de maîtres de stage trouveront des jeunes médecins pour succéder aux généralistes seniors…
Dans la salle, les praticiens semblent tiraillés entre espoir et résignation. « C'est la chronique d'une mort annoncée de la médecine générale », se désole une des rares femmes dans la salle. Un autre ironise : « c'était plus un forum de l'installation des jeunes que de la désinstallation des vieux ».
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