Des milliers de patients dordognais sans médecin traitant

À Bergerac, désaccord sur le remède à la pénurie médicale

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Publié le 21/11/2016
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Crédit photo : DR

À Bergerac, la situation de la démographie médicale s'est récemment sensiblement tendue. Trois généralistes de la sous-préfecture de Dordogne (28 000 habitants) sont en effet partis à la retraite et un quatrième, qui disposait d'une large patientèle, est décédé brutalement. Vingt généralistes sont toujours en activité à Bergerac. Le président de l'Ordre départemental des médecins, le Dr Max Desfrançois, estime qu'il n'y a pas lieu d'être trop alarmiste. Selon lui, la pénurie est bien plus grave dans certaines zones rurales du département.

Responsable du pôle de santé de la ville, qui fédère plusieurs généralistes, le Dr Benoît Blanc se veut également rassurant. Il affirme que quatre praticiens vont bientôt s'installer en ville, « sans oublier une jeune femme qui a vissé sa plaque en septembre ». La municipalité travaille quant à elle à la création d'un centre de santé, et assure que des médecins seraient prêts à y exercer (pour un salaire de 4 500 à 5 000 euros nets). Son ouverture est prévue en février prochain.

Le manque de généralistes n'est cependant pas sans conséquence ; des patients se retrouvent sans médecin traitant à la suite des récents départs. La mairie a ouvert cet été un registre dans lequel les habitants en mal de médecin traitant sont invités à se faire enregistrer. « On en est à 1 500 patients, indique au « Quotidien », Adib Benfeddoul, premier adjoint au maire de Bergerac et pharmacien d'officine, mais tous ne se sont sans doute pas inscrits ». Selon le Dr Benoît Blanc, « les chiffres de la caisse primaire sont formels, il y a à peine 2 000 patients sans médecin traitant à Bergerac ».

En ville, cette pénurie médicale fait réagir les pharmaciens. À entendre Ghislaine Laur, installée en centre-ville, la situation est bien plus grave que ce qu'indique le registre municipal. L'officinale estime au doigt mouillé que près de 10 000 habitants seraient en mal de médecin traitant. Pire selon elle, des patients de la ville seraient morts faute de soins. « J'en ai dans ma clientèle », assure-t-elle. Mais son confrère Adib Benfeddoul assure n'avoir jamais eu connaissance de morts liées à un défaut de soins.

Un renouvellement d'ordonnance exceptionnel accordé aux pharmaciens

Seule certitude, certains patients en ALD ne peuvent plus faire renouveler leur ordonnance, faute de médecin. L'ARS a bien accordé un droit de renouvellement exceptionnel d'un mois aux pharmaciens de la ville pour les malades les plus sensibles, mais il faut aller plus loin, estime Ghislaine Laur. Elle milite pour l'obtention d'« un droit exceptionnel d'un an de renouvellement des ordonnances pour tous les malades sans médecin, jusqu'à ce que la situation de la démographie médicale s'améliore ».

Cette requête, qu'elle va adresser, avec 12 de ses collègues, prochainement aux pouvoirs publics, fait réagir le Dr Benoît Blanc. « Un droit de renouvellement d'un an, ce n'est tout simplement pas possible, estime le praticien. Je comprends la détresse des pharmaciens face aux demandes de patients, continue-t-il, mais ces renouvellements d'ordonnance non encadrés par des médecins pourraient faire courir des risques sanitaires à la population ». Le praticien juge toute cette agitation contre-productive. « On donne l'image d'une ville où les patients meurent, et où un centre de santé municipal va concurrencer les libéraux. Pas terrible, quand on cherche à les attirer », analyse-t-il.

Les pharmaciens n'en ont cure et veulent attirer l'attention des pouvoirs publics. « Nous demandons à être reçus par Marisol Touraine, insiste Adib Benfeddoul, pour obtenir cette autorisation de renouvellement ». Assez remonté, il ajoute que si les médecins restent opposés à cette possibilité, « ils n'ont qu'à recevoir les patients en souffrance ».

Henri de Saint Roman

Source : Le Quotidien du médecin: 9536