Les généralistes face au big bang de la rémunération

Claude Leicher (MG-France) défend le « manager des soins de premiers recours »

Publié le 01/06/2011
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Crédit photo : S TOUBON

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LE QUOTIDIEN – Vous présentez aujourd’hui officiellement votre projet conventionnel. Quel en est le socle ?

Dr CLAUDE LEICHER – Nous décrivons ce qui doit être, à nos yeux, le noyau de la future convention médicale à partir duquel pourra se construire un système de santé organisé et efficient. Ce noyau, c’est le médecin généraliste à qui il faut redonner confiance dans l’avenir, ce qui passe par une augmentation des revenus. A tort ou à raison, le sentiment partagé dans la profession, c’est que les décideurs se passeraient volontiers de médecins généralistes ! Chaque décret, chaque décision accrédite ce ressenti négatif. La deuxième priorité, c’est de redonner une forte attractivité à ce métier.

Comment ? La réforme de la rémunération peut-elle y contribuer ?

Oui. Nous proposons un système où le médecin pourrait lui-même choisir des élements de rémunération en fonction de divers objectifs qu’il se donnerait pour son patient, pour sa patientèle ou pour la population.

Les patients d’abord : pour MG-France, le forfait médecin traitant doit devenir un élément très important de la rémunération des médecins généralistes. Aujourd’hui, 25 à 30 % de notre temps de travail n’est pas rémunéré. C’est pourquoi nous préconisons, à côté du paiement à l’acte, un forfait médecin traitant généralisé à tous les patients – dès la naissance – qui pourrait représenter 20 à 50 % de la rémunération globale. On pourrait imaginer un forfait médecin traitant de 35 euros par patient sans problème et de 53 euros pour les patients en ALD, indexé sur le plafond de la Sécurité sociale.

Autre étage : la patientèle. Chaque médecin généraliste, avec des logiciels adaptés, devrait pouvoir produire un tableau de bord de son activité permettant de se donner des objectifs d’amélioration de sa pratique, dans un choix d’items conventionnels. Troisième élément : le service rendu à l’ensemble de la population dans le cadre des campagnes de prévention, de dépistage et d’éducation thérapeutique. Enfin, on peut imaginer de moduler le forfait médecin traitant en fonction des zones géographiques. On parle des zones sous-denses mais il y a aussi les secteurs difficiles, les banlieues...

Pour résumer, nous voulons donner au médecin généraliste les moyens de devenir « manager » des soins de premiers recours. En fonction des économies dégagées, on pourrait imaginer des montants de forfait beaucoup plus importants, de l’ordre de 100 euros par patient, selon les résultats. Nous plaidons pour une véritable gestion de soins primaires intégrés. La Suisse, les États-Unis, l’Allemagne ou la Belgique, ont avancé sur cette voie, et ont montré qu’on peut améliorer la qualité des soins en diminuant les coûts de 25 %.

Comment financez-vous ce système ?

En grande partie, il s’agit de construire un vrai parcours de soins et de partager les économies induites. Le principe est d’intéresser à la fois la population et les médecins. Si on économise 25 % de la dépense moyenne de dépense de santé par patient (de l’ordre de 2 400 euros), on dégage 600 euros par patient. Je ne dis pas qu’on y arrivera du jour au lendemain mais le système a des marges considérables. Le CAPI [contrat d’amélioration des pratiques individuelles] a montré qu’avec une implication assez modeste, on obtenait des résultats. On suggère de passer à la vitesse supérieure avec cette gestion active et intégrée des soins de premier recours. Ce serait un big bang progressif, sur cinq à 10 ans, économiquement viable. Mais cela passe par un réinvestissement prioritaire sur la médecine générale dans les cinq ans qui viennent.

Comment voyez-vous l’issue des négociations conventionnelles ?

Je redis que les marges de manœuvres existent. Notre projet est sur la table. Dès la semaine prochaine, les négociations vont reprendre officiellement avec les cinq syndicats et une composition libre des délégations. Rien n’empêche de périmétrer un plan pluriannuel d’investissement sur la médecine générale.

> PROPOS RECUEILLIS PAR CYRILLE DUPUIS

Source : Le Quotidien du Médecin: 8975