Homéopathie : visés par des plaintes disciplinaires, les médecins anti-« fake med » entre colère et incompréhension

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Publié le 12/09/2018
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Crédit photo : PHANIE

Après l'Union collégiale en avril, le Syndicat national des médecins homéopathes français (SNMHF) a mis sa menace à exécution. Il poursuit depuis juillet pour « non-confraternité et non-respect du code de déontologie » les premiers signataires de la tribune au vitriol, publiée en mars dans « le Figaro », qui ciblait les médecines alternatives dont l'homéopathie, jugées « inefficaces », « coûteuses » et « dangereuses ».

La tribune réclamait l'exclusion de ces pratiques du champ médical et demandait à l’Ordre de « ne plus autoriser à faire état de leur titre les médecins ou professionnels de santé qui continuent à les promouvoir ». Les signataires appelaient aussi les pouvoirs publics à ne plus reconnaître d'une quelconque manière les diplômes d'homéopathie (et à la dérembourser).

Choquée

Selon le Dr Jérémy Descoux, président du collectif FakeMed à l'origine de la tribune, une soixantaine de praticiens signataires (sur 124) sont déjà visés par des procédures. Et l'affaire est loin d'être terminée...  

Le Dr Céline Berthié, généraliste de 36 ans installée en Gironde, fait partie des médecins poursuivis. Le 30 août, elle a reçu sa convocation pour une séance de conciliation au conseil départemental. « Quand j’ai reçu la plainte, j’étais très surprise et choquée par le motif invoqué : en quoi le fait d’avoir rappelé que l’homéopathie était un placebo est anti-confraternel envers les médecins qui la pratiquent ? », martèle le Dr Berthié, outrée. La généraliste installée à Cussac-Fort-Médoc évoque au contraire l’obligation d’honnêteté vis-à-vis du patient, inscrite dans le code de déontologie. « Le médecin doit avoir l’honnêteté de dire aux patients qu’il n’y a pas forcément de traitement pour tout », explique-t-elle. Elle s’est dite soulagée lorsque son ordre départemental a décidé de ne pas s’associer à la plainte syndicale. « J’avais peur qu’il fasse comme l’Ordre des Hauts-de-Seine », confie le médecin, qui ne regrette pas cette médiatisation.

Le Dr Pierre-Marc Lallemand est visé par deux plaintes. « Cela ne m’empêche pas de dormir », lance au « Quotidien » le cardiologue au CHU d'Amiens. Le praticien se présentera à la séance de conciliation prévue le 17 septembre à l'Ordre départemental. Lui aussi a du mal à comprendre la démarche contentieuse des plaignants. « La tribune ne visait pas les médecins eux-mêmes mais une pratique ! Nous demandons seulement aux médecins de se référer à des pratiques éprouvées par la science comme l'a prévu le code de déontologie », souligne-t-il. 

Des gélules de sucrette, rien de plus   

Une ligne de défense partagée par le Dr Matthieu Calafiore, convoqué le 20 septembre à l’Ordre départemental du Nord. « Le syndicat nous attaque sur la forme et non pas sur le fond, regrette le médecin membre du bureau du Collège national des généralistes enseignants (CNGE). L'homéopathie n'a jamais prouvé son efficacité. » Pour le généraliste de Wattrelos, également chroniqueur santé, cette tribune n’avait rien d'anticonfraternelle « On demande à ces médecins qu'ils ne prescrivent plus d'homéopathie ou bien qu’ils le fassent en expliquant bien à leurs patients qu'il s'agit de placebo, des gélules de sucrette et rien de plus. À 100 euros le kg, c'est un peu cher le sucre. On ne demande pas à l’Ordre de retirer leurs diplômes de médecin mais qu'ils exercent la médecine selon les données de la science actuelle », expose le Dr Calafiore.

Président du collectif FakeMed et cardiologue libéral à Perpignan, le Dr Jérémy Descoux est lui-même visé par deux plaintes. Il dénonce la stratégie de la chaise vide des défenseurs de l'homéopathie. « Le Syndicat des homéopathes refuse de discuter sur le fond, il n'envoie aucun représentant en conciliation. C'est une faute déontologique de leur part de ne pas vouloir trouver un terrain pour discuter. »  

Pas de volonté de conciliation

« Nous n'avons aucune intention de discuter sur le fond, rétorque justement le Dr Charles Bentz, président du Syndicat national des médecins homéopathes français. Droit dans ses bottes, le généraliste installé à Oberhausbergen (Bas-Rhin) réitère ses accusations : « Les propos écrits dans la tribune sont caractérisés non conformes au code de déontologie. » « En fait, on veut nous interdire de pratiquer alors que nous sommes des médecins avant tout, s'agace le Dr Bentz. Je rappelle qu'il y a quelques années le Pr Kahn avait traité les médecins homéopathes de charlatans. Il a été condamné par l’Ordre. »

Pour les prochaines séances de conciliation, le syndicat des homéopathes affirme qu’il sera bien présent « pour honorer les convocations ». Mais pas question de céder du terrain. « Nous voulons aller jusqu’au bout de la procédure », réitère le Dr Bentz. Des procédures qui seront longues : les plaintes seront traitées, sans doute dans plusieurs mois, par les chambres disciplinaires de première instance. 

Dans ce contexte, les praticiens poursuivis souhaitent s'organiser pour bénéficier d'une défense commune. Ils espèrent aussi lever des fonds pour financer les frais que ces contentieux vont engendrer.


Source : lequotidiendumedecin.fr