Dr Nathalie Maubourguet (FFAMCO, médecins coordonnateurs)

« Il n'y a pas eu de prise de conscience de la montée de la grande dépendance »

Par
Publié le 29/01/2018
Article réservé aux abonnés
maubourguet

maubourguet
Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN : Les personnels des EHPAD, notamment les aides-soignants, sont en grève ce mardi 30 janvier pour dénoncer leurs conditions de travail. Qu'en est-il des médecins coordonnateurs ?

Dr NATHALIE MAUBOURGUET : Nous ne serons pas en grève, mais nous sommes solidaires du mouvement. Lorsqu'on a été auditionné par la députée Monique Iborra (LREM) qui a rédigé une mission flash sur le sujet, le premier point que nous avons abordé avec elle, c'est la situation des aides-soignants. Aujourd'hui, nous ne sommes plus assez nombreux pour prendre en charge la polypathologie et la dépendance des personnes âgées.

Quelle est la situation dans les établissements ?

Lorsque j'ai commencé il y a 15 ans, on avait 20 à 30 % de personnes très dépendantes, aujourd'hui, il y en a 70 %. Mais nous n'avons vu aucune corrélation en termes de dotations de personnels et de moyens. Quand on a un aide-soignant pour huit résidents, on est déjà content… Sachant que la tendance est à un pour dix ! Côté médical, il y a un peu plus de 30 % des EHPAD qui sont sans médecin coordonnateur. Pour les autres, nous sommes à 0,3 équivalent temps plein en moyenne par établissement, c'est-à-dire pas tout à fait deux jours de présence par semaine.

Aujourd'hui, on ne peut plus demander à nos équipes d'être à la fois proches des résidents, de coller aux recommandations de bonnes pratiques, de tenir une traçabilité précise pour le suivi du dossier patient, avec si peu de moyens. On voit une recrudescence des accidents du travail sur des aides-soignantes pourtant jeunes et motivées ! Nous n'avons pas pris conscience de la montée de la grande dépendance.

Quelles seraient les mesures prioritaires ?

La priorité, ce serait d'avoir davantage d'aides-soignantes la journée. Il faudrait aussi étendre la présence infirmière et étoffer les équipes pluridisciplinaires. Il y a déjà des psychologues mais nous aurions besoin d'ergonomes et de psychomotriciens pour améliorer les deux à trois ans d'espérance de vie du résident en établissement. Mais nous n'avons ni argent, ni aides-soignants ! Le nerf de la guerre, ce sont les moyens financiers. Il y a sûrement moyen d'orienter les budgets mais ce sera un acte politique fort et courageux.

Propos recueillis par Marie Foult

Source : Le Quotidien du médecin: 9635