Ivermectine, hydroxychloroquine, azithromycine… : que risque un médecin en prescrivant ces traitements dans le Covid ?

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Publié le 17/04/2021

Crédit photo : Phanie

« Médecins, soignez : c’est autorisé. » C’est le message rassurant que tentent de faire passer les partisans des traitements précoces contre le Covid-19. À l’instar du collectif « Laissons les médecins prescrire », ils encouragent leurs confrères à administrer des médicaments qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité dans le Covid selon les autorités sanitaires.

Hydroxychloroquine, azithromycine, ivermectine en font partie. Lancé il y a quelques mois, un protocole empirique de traitement du Covid continue d’ailleurs à circuler sur Internet. Il associe ces médicaments à des produits homéopathiques, à de la phytothérapie et à de l’acupuncture… Dangereux, estimait l’Ordre des médecins au mois de février dernier. Et pourtant, rien n’empêche les médecins de le prescrire. Mais en cas de pépin, ils devront en assumer toute la responsabilité devant la justice ordinale et les tribunaux.

Liberté de prescription… encadrée

Dans une fiche pratique publiée sur son site Web, le Conseil national de l'Ordre des médecins rappelle que les praticiens bénéficient d’une liberté de prescription (article 8 et 40
du code de déontologie et article L.162-2 du code de la
sécurité sociale), y compris pour des médicaments qui n’ont pas reçu d’AMM (autorisation de mise sur le marché) ni même d’ATU (autorisation temporaire d’utilisation) pour certaines indications thérapeutiques. C'est par exemple le cas de l’ivermectine, un traitement antiparasitaire. « La prescription hors AMM est possible », elle est même prévue par la loi, indique l’Ordre.

Cette liberté est cependant encadrée. Le prescripteur doit en premier lieu s’assurer qu’aucune alternative thérapeutique médicamenteuse n’est disponible. À ce jour, c’est bien le cas du Covid-19 pour lequel aucun traitement n'a été reconnu efficace par la communauté scientifique.

Le médecin qui prescrirait hors AMM n'est pas pour autant à l'abri des poursuites. Deux cas de figure peuvent se présenter.

Premièrement, s’il ne remplit pas son obligation d’information renforcée envers son patient, définie par l’article L.1111-2 du code de la santé publique (CSP). Il a le devoir de lui rappeler la non-conformité de la prescription par rapport à son AMM, l’absence d’alternative thérapeutique à bénéfice équivalent, les risques encourus et les bénéfices potentiels et enfin l’absence de prise en charge du traitement par l’Assurance-maladie. Le médecin doit en outre motiver sa décision dans le dossier médical (article L.5121-12-1 du CSP). Une entorse à cette obligation d’information ouvrirait droit à réparation.

Risque injustifié

Le médecin peut également être attaqué s’il fait courir un risque injustifié à ses patients (article R.4127-40 du CSP). Il « ne peut proposer aux patients des thérapeutiques insuffisamment éprouvées (article R.4127-39 CSP) », rappelle le CNOM. C’est précisément le cas de l’hydroxychloroquine et de l’ivermectine dans des indications contre le Covid, pour lesquels il n'y a pas consensus de la communauté scientifique sur l'efficacité de ces médicaments dans le Covid.

Pour le premier de ces traitements, la question ne se pose plus vraiment depuis que le gouvernement a interdit sa délivrance hors AMM dans le Covid, en ville comme à l'hôpital. Dans le cas de l’ivermectine, la responsabilité du prescripteur pourrait être engagée.

Dans une décision rendue au début du mois d’avril, l’ANSM a refusé une demande de RTU (recommandation d’utilisation temporaire) en faveur de l'ivermectine, estimant que le manque de données disponibles « ne permet pas de présumer d’un rapport bénéfice/risque favorable, en traitement curatif ou en prévention ». L’Agence soulignait également que le Haut Conseil de la santé publique avait conclu à l’absence de recommandation de l’utilisation de cette molécule contre le Covid-19, en dehors d’un essai clinique.

Au mois de mars, c’est l’Agence européenne du médicament qui s’était prononcée. « Les preuves actuellement disponibles ne sont pas suffisantes pour soutenir l’utilisation de l’ivermectine dans le Covid-19 en dehors des essais cliniques », avait-elle indiqué dans un communiqué. Elle estimait que le risque de toxicité des doses plus élevées « nécessaires pour obtenir des concentrations d’ivermectine dans les poumons efficaces contre le virus » ne pouvait être exclu.

En cas de plainte, le médecin mis en cause devra démontrer que sa prescription n’est pas en contradiction avec ces données établies par les scientifiques.


Source : lequotidiendumedecin.fr