D’AUTRES auraient pu y voir une demi-consécration. Avoir été nommé dans une région où tous les clignotants sont au rouge ne déplaît pas à Christophe Jacquinet. « J’avais demandé la Picardie, que je connais pour y avoir passé mon enfance et mon adolescence, explique-t-il . Les indicateurs ne sont pas bons, c’est un challenge. Je ne peux que mieux faire ».
La Picardie part de loin. C’est elle qui détient la plus faible densité médicale libérale de la métropole. Elle qui occupe le dernier rang pour les sages-femmes, et l’avant-dernière place pour les kinés et les chirurgiens-dentistes. Le chômage est élevé, et la surmortalité, la plus forte de France après le Nord-Pas-de-Calais.
La méthode Jacquinet pour redresser la barre est en gestation. L’heure est à la prise de contact tous azimuts. « Je viens d’écrire aux élus de la région pour me présenter », explique Christophe Jacquinet. Surprise l’autre jour, lorsqu’un élu lui demande : « Mais au fait, quelle différence entre une ARS et une ARH ? »
« Le grand public n’a jamais entendu parler des ARS. Mais si même les élus n’y voient pas clair ! », s’étonne le préfigurateur. Délicate période, où chacun y va de sa doléance auprès du futur directeur, alors que le pouvoir de décision reste entre les mains des administrations en place pour encore quatre mois. Parmi les dossiers chauds, la fermeture de l’aile nord du CHU d’Amiens, qui crée du remous localement. « Rien n’est arbitré, je vais regarder la situation, tempère Christophe Jacquinet. Si la restructuration du CHU crée un déséquilibre en matière d’offre, alors ce sera un sujet ARS. »
S’il est trop tôt pour les arbitrages, il est en revanche urgent de rassurer les anxieux. À commencer par les futures chevilles ouvrières de l’ARS, les 270 salariés concernés par la fusion. L’employeur change, les conventions collectives et les avantages demeurent, leur répète Christophe Jacquinet.
Les médecins aussi sont inquiets ; en ville comme à l’hôpital, ils se demandent à quelle sauce ils seront mangés. « Il est important que les professionnels de santé aient un message clair car ils doutent, raconte Christophe Jacquinet . Je leur explique que j’aurai trois " ambassadeurs ", trois délégués territoriaux, à Laon, Beauvais et Amiens. Ce sera leur interlocuteur privilégié, idem pour les établissements, mais je resterai joignable. Je veux garder un lien de proximité ».
Pas de fatalité.
Chaque semaine, Christophe Jacquinet et sa petite équipe organisent un petit-déjeuner avec les acteurs de la santé sur un thème précis. Ce matin, autour du café et des croissants, il sera question de la démographie médicale. Les déserts sanitaires, c’est le gros point noir en Picardie – bien plus que les dépassements d’honoraires. Aucune piste ne sera écartée pour y remédier. « On va mettre en place le guichet unique prévu par la loi, s’inspirer de maisons de santé expérimentales, utiliser les contrats de cliniciens à l’hôpital, développer les coopérations hospitalières », expose le préfigurateur de l’ARS. Qui veut croire qu’ « il n’existe pas de fatalité ». Et si des esprits retors se présentent ? Du côté des directeurs d’hôpital en tout cas, Christophe Jacquinet s’attend à une bonne coopération. « Je pense qu’ils ont compris que l’ARS les nomme et les dénomme. De l’ARS, les directeurs d’hôpital attendent de l’aide pour recruter des médecins. Nous allons travailler ensemble. »
Pour s’allier le corps médical, le quadragénaire misera sans doute sur son expérience passée. « Je suis le seul directeur d’ARS à venir de l’offre de santé : j’ai été directeur régional du groupe Générale de Santé, je dirige la fondation Rothschild qui regroupe des établissements médico-sociaux à but non lucratif. J’ai fait six années de médecine, je connais bien la médecine libérale ». Tête de son père, il y a vingt ans de cela, lorsqu’il lui a annoncé son intention de stopper médecine pour entrer à Sciences-Po Paris. « L’organisation du système de santé, la défense des missions de service public, voilà ce qui m’intéresse. Si je suis ici aujourd’hui, ce n’est pas un hasard. »
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