Le facheux précédent de l’Isoméride

Publié le 04/12/2012
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PLUSIEURS victimes de l’Isoméride, un coupe-faim interdit en 1997, ont obtenu la condamnation des laboratoires Servier. Dans un cas précis, la justice française a considéré que le médecin prescripteur était coresponsable.

La plaignante, placée sous Isoméride pour résorber quelques kilos après deux grossesses, a subi une double greffe pulmonaire et une opération cardiaque après la survenue d’une hypertension artérielle pulmonaire primitive. Des experts ont conclu en 1998 que le médicament avait contribué au déclenchement de la maladie. La patiente a assigné le fabricant et le médecin. Mis hors de cause en première instance puis en appel, le prescripteur s’est fait épingler par la Cour de cassation, pour « manquement à ses obligations déontologiques et professionnelles ». Il faut préciser qu’il s’agissait d’un médecin du travail.

L’avocat de la plaignante a considéré que ce praticien « ne pouvait déontologiquement opérer de prescriptions », et qu’il n’avait « aucune compétence en matière de nutrition ». La prescription faite en 1993 était conforme à celle préconisée par le fabricant, s’est défendu le médecin du travail. Les laboratoires Servier n’ont pas manqué d’exploiter la faille. « Le docteur X a procédé à une prescription erronée, l’Isoméride traitant les obésités, et non les cas de simples surcharges pondérales. (...) La société les laboratoires Servier ne peut être tenue pour responsable d’une prescription inadaptée de son produit », a plaidé l’avocate Me Nathalie Carrère (extrait de l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles, 10 mai 2002). « C’est au médecin prescripteur qu’il appartient d’informer son patient et d’évaluer le rapport bénéfice/risque avant de proposer un traitement », a ajouté l’avocate, citant une directive européenne qui exonère le fabricant en cas de risque inconnu lors de la mise sur le marché d’un médicament.

Me Catherine Paley-Vincent a défendu le centre de médecine du travail dans cette affaire. « Le nœud du problème, comme pour le Mediator, c’est l’état actuel des données de la science, commente-t-elle aujourd’hui. Il y a forcément un décalage entre le moment où le laboratoire découvre un effet secondaire, et le moment où le médecin de base l’apprend. Dans ce genre d’affaire, les médecins peuvent s’en sortir en plaidant qu’ils ne pouvaient pas savoir l’existence d’un danger au moment de la prescription ».

D. CH.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9200