50 ans d'exercice libéral en santé

Le virage de l'interpro reste timide

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Publié le 21/11/2019
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Malgré les avantages évidents d'un exercice collectif, le regroupement des professionnels de santé est poussif. Le CNPS appelle les libéraux à s'unir pour développer l'interpro.

« Malgré l’augmentation du nombre de professionnels qui ont un exercice collectif, le poids des entreprises individuelles demeure extrêmement important », déclare Thierry Pean, chef du bureau des professions libérale à de la direction générale des entreprises, invité à un débat organisé par le Centre national des professions de santé (CNPS) le 14 novembre. Pour preuve, 91,6 % des professionnels de santé ont choisi d’exercer en entreprise individuelle en 2002 et 86,4 % en 2018. Cette lente mutation s’est amorcée à partir de 1994 avec la création d’une nouvelle structure juridique pour l’entreprise libérale, la société d’exercice libéral (SEL). « Ce nouvel outil organisationnel a été un appel d’air pour la pratique de groupe », analyse Stéphane Rapelli, socio économiste des métiers des professions libérales. Chez les médecins libéraux, 11 % seulement exerçaient en groupe en 1969, 44 % en 2010 et 55 % en 2018 dont 75 % chez les généralistes.

Dépassant la mutualisation des moyens (secrétariat, locaux…), l'exercice regroupé favorise désormais la coordination entre les professionnels de santé, un nouvelle façon d'exercer correspondant aux attentes des nouvelles générations. Il permet notamment de concilier vie professionnelle et vie privée, d’assurer la permanence des soins, tout en dégageant du temps pour se former… Mais ce changement nécessite de la part des médecins de composer avec d’autres métiers. « Ils apprennent à déléguer pour permettre de se concentrer sur le cœur de métiers », ajoute Stéphane Rapelli.

Malgré cette interprofessionnalisation, incitée ces dernières années par les pouvoirs publics (loi HPST avec les nouvelles missions pour le pharmacien, loi Touraine avec la création des CPTS), « les résultats sont toutefois mitigés, car on a l’impression qu’au final la démarche vise avant tout à assurer la maîtrise des dépenses de santé », analyse le socio économiste.

Tensions entre les professionnels

Pour combattre « la vision purement économique de la santé », François Blanchecotte, président du CNPS appelle l'union des libéraux pour s’imposer comme interlocuteur auprès des pouvoirs publics. Le Dr Michel Chassang, président du groupe des professions libérales au Conseil économique, social et environnemental (CESE) et président du CNPS (2 007 à 2013) est sur la même longueur d'onde. Il estime que l’interprofessionnalité, « plus subie que voulue » entraîne des tensions entre les professionnels de santé, en raison notamment des problèmes de financement. Dans tout transfert d’activité, comme pour la vaccination antigrippale, « il y a des gagnants et des perdants », argue l'ancien président de la CSMF.

Mais Philippe Gaertner, vice-président de l’Union nationale des professions libérales (UNAPL), ancien président du CNPS (2013-2017) et pharmacien ne partage pas cette conclusion : « Il s’agit de dispositifs complémentaires entre professionnels de santé pour faciliter le parcours de l’usager. Les patients qui ont l’habitude d’être vaccinés par leur médecin ou leur infirmière ne sont pas la cible, nous visons ceux qui échappent à la vaccination. Nous n’avons aucun intérêt à faire le boulot des autres. », dit-il. Dans ce contexte, pour que l’interpro se développe, « ll faut trouver des outils comme un dispositif permettant une rémunération encourageant le travail en équipe et non une rémunération en silo », propose le Dr Chassang. Une première suggestion qui fait aussitôt consensus.

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin