Exercice libéral pluripro

Les équipes coordonnées veulent changer de braquet

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Publié le 01/10/2021
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Pionnières dans la réorganisation des soins primaires, les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) se posent en modèle de référence. Lors de leurs récentes Rencontres à Bordeaux, ces équipes libérales ont appelé l'État à les soutenir davantage.

Crédit photo : PHANIE

Plus de dix ans après la création des premières maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), la dynamique du modèle interpro n'est plus à démontrer. Durant la crise sanitaire, ces structures ont montré leur capacité d'adaptation et leur agilité : accueil physique des patients Covid, prise en charge de la population dont le médecin traitant n'était pas au sein de la structure, mise en place de protocoles pour le suivi des patients fragiles, campagnes de dépistage, création de centres de vaccination…

Lors des Rencontres en septembre de l'association AVECsante (Avenir des équipes coordonnées, ex-fédération des maisons de santé), les leaders des quelque 1 200 équipes de soins, venues de toute la France, ont partagé leurs initiatives avec la volonté d'accélérer cette mutation des soins primaires. 

Médiateurs, prévention et suivi

La maison de santé pluriprofessionnelle de Creil, dans l'Oise, a fait de l'accompagnement des primo-migrants, l'une de ses priorités. En se coordonnant avec des bénévoles d'associations locales, le Dr Svetlane Dimi, médecin généraliste, à l'origine de ce projet, parvient à mieux prendre en charge cette population, confrontée à des barrières de langue et à des freins culturels, dans toutes les démarches médico-administratives.

À Besançon, dans le Doubs, c'est le Dr Jean Wolfarth, généraliste à la MSP de Baume-les-Dames, qui met en avant le dépistage du cancer de la peau, en collaboration avec des dermatologues. L'objectif est de sensibiliser les praticiens. À Paris, dans le 19e arrondissement, la MSP Michelet collabore avec l'association Espace 19 pour développer la place des médiateurs au sein de la structure.

Malgré la crise épidémique, la dynamique des maisons de santé ne s'est pas tarie. Au contraire, en 2020, année de la pandémie de Covid, 300 nouvelles MSP ont été créées. Selon le dernier bilan de la Direction générale de l'offre de soins (DGOS, ministère), exactement 1 889 structures labellisées fonctionnent aujourd'hui et 366 projets sont en cours. L'objectif fixé par Emmanuel Macron de 2 000 maisons de santé en 2022 est donc en passe d'être atteint. « Les MSP ont prouvé leur efficacité, a lancé à Bordeaux le Dr Didier Ménard, président de la FemasIF (Fédération des maisons et pôles de santé en Île-de-France), généraliste précurseur de ce mode collégial d'organisation des soins primaires. Aujourd'hui, nous revendiquons de devenir le modèle de référence de l'organisation des soins primaires pour faire face aux défis de santé publique en particulier, les maladies chroniques ».

Bientôt une ROSP équipe ?

Afin de répondre aux enjeux de santé publique et du vieillissement de la population, les équipes libérales coordonnées espèrent des « signaux forts » de l'État, notamment pour continuer à innover. À cet égard, la communication ministérielle insistante pour développer les seules communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), puis le retard pris dans les négociations d'un avenant à l'accord conventionnel interprofessionnel (ACI) sur les MSP, ne sont pas du goût du Dr Pascal Gendry. Le président d'AVECsanté souhaite améliorer ce contrat, qui n'a pas été revalorisé depuis 2017. Il réclame une hausse de l'enveloppe allouée aux structures pluripro – aujourd'hui chaque équipe touche 66 000 euros en moyenne – et une valorisation de nouveaux indicateurs pertinents (démarche qualité, participation des patients). La négociation de l'ACI devrait démarrer mi-octobre et la CNAM espère signer un avenant d'ici à la fin du mois de novembre.

L'autre changement souhaité par les MSP concerne la rémunération forfaitaire directe des équipes impliquées. Dans le cadre de l'article 51, des expérimentations sur la prise en charge collégiale des patients diabétiques, dépressifs ou âgés sont en cours. « Pourquoi ne pas capitaliser et généraliser dans l'ACI cette rémunération forfaitaire, une sorte de ROSP "équipe", en somme », avance le Dr Gendry.

Face à cette demande, Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins à la CNAM, ne souhaite pas brûler les étapes. Elle invite les partenaires conventionnels à s'entendre d'abord sur une revalorisation des indicateurs socles. « On peut ensuite inventer un modèle de financement ad hoc qui passe par un conventionnement d'une MSP avec l'agence régionale de santé et/ou la CPAM, qui permettra de sortir de l'expérimentation », a-t-elle suggéré. « Les évolutions peuvent venir de l'accord conventionnel ou du budget de la Sécu, a répondu le Dr Gendry. Peu importe mais il faut faire vite pour ne pas décourager les équipes. »


Source : Le Quotidien du médecin