Entre 2011 et 2015, les plaintes d’employeurs contre des généralistes devant l’Ordre des médecins et pour des certificats en rapport avec le monde du travail sont passées de 6,8 % en 2011 à 13,5 % en 2015 de l’ensemble des plaintes.
Ces chiffres, relayés par le Dr Dominique Huez, ancien médecin du travail, lui-même inquiété par l'employeur d'un de ses patients, sont extraits d'une thèse de médecine générale rédigée et présentée cette année, à laquelle « le Quotidien » a eu accès.
Ces statistiques sont issues des réponses de 17 conseils départementaux de l'Ordre à un questionnaire*. Les autres conseils n'ont pas répondu et l’Ordre national s'est « opposé à l’accès aux dossiers de ces plaintes », car il ne produit « aucune statistique avant le renvoi de certains dossiers en chambre disciplinaire », indique la thèse. Selon les données des départements qui ont donc répondu, 50 plaintes ont été déposées en 2014 contre des généralistes pour des certificats en rapport avec le travail, et 80 en 2015.
88,3 % des plaintes et doléances déposées contre des médecins généralistes pour des certificats en rapport avec le monde du travail sont le fait d'employeurs (le reste des plaignants étant soit des patients, d'autres médecins, l'entourage familial ou professionnel). Une fois reçues, ces plaintes et doléances s'arrêtent à l'échelon départemental pour la plupart d'entre elles (85 %). 15 % sont transmises à la chambre disciplinaire de première instance. Selon les départements, il y a ensuite entre 12,5 % et 100 % de conciliation.
Concernant les médecins mis en cause, 93 % sont des généralistes libéraux, 77 % des hommes. Plus de la moitié (60 %) a entre 51 et 65 ans.
Sous-estimation
« Ces plaintes provenant des employeurs sont en augmentation alors même que les autres motifs de plaintes contre des généralistes étaient stables sur cette période », analyse le Dr Huez. Selon lui, et en extrapolant à la France, « 220 médecins généralistes annuellement ont dû répondre d’une plainte d’employeur devant l’Ordre des médecins en 2015 », indique-t-il. Selon le médecin du travail, début 2016, « à partir de données très fragmentaires », les plaintes d’employeurs devant l’Ordre des médecins s'élevaient « à 200 par an dont la moitié contre des médecins du travail, et le quart concernant des médecins généralistes ».
À noter que le Conseil d’État s'est récemment penché, à la demande de plusieurs organisations de médecins du travail, sur l’irrecevabilité des plaintes d’employeurs devant l’Ordre des médecins, requête dont les conclusions n'ont pas encore été rendues publiques. Selon le Dr Huez, présent à l'audience, le rapporteur public du Conseil d'État aurait indiqué que les plaintes d’employeurs représentaient « 4 à 5 % de l’ensemble des plaintes ».
« Le rapporteur public et l’Ordre des médecins sous-estiment donc l’accroissement de ces plaintes d’employeurs ces dernières années, et ils font l’impasse sur le contenu des conciliations entre employeurs et médecins, conciliations qui effacent généralement le lien entre l’atteinte à la santé et le travail », conclut le Dr Huez.
Selon le code de déontologie médicale, « le médecin doit se garder d’attribuer la responsabilité des troubles de santé, physiques ou psychiques, constatés, au conflit conjugal, familial (article 51) ou professionnel dont le patient lui a fait part ».
* Enquête quantitative rétrospective menée auprès des 96 conseils départementaux de l'Ordre des médecins par un auto questionnaire, accessible en ligne du 17 septembre au 31 décembre 2016.
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