Les médecins libéraux ont exprimé leur inquiétude et parfois leur pessimisme, sur la place grandissante prise par les organismes complémentaires et sur l’évolution de leur exercice dans le système de soins, lors des 4e rencontres pour une santé durable, organisées samedi dernier à la Grande-Motte par l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) Languedoc-Roussillon.
La généralisation de la complémentaire santé (prévue par l’accord national interprofessionnel ANI) à tous les salariés au 1er janvier 2016 et la volonté des mutuelles, assureurs et institutions de prévoyance d’étendre les réseaux de soins aux médecins – ils en sont aujourd’hui exclus par la loi Le Roux promulguée en janvier 2014 – sont dans toutes les têtes. Pour tous, les réseaux de soins, dans lesquels dentistes, opticiens et audioprothésistes identifiés pratiquent des remboursements différenciés, constituent la quintessence de la privatisation de la santé et de la médecine à deux vitesses.
Poison liberticide
« Il faut interdire les réseaux de soins, poisons liberticides et inégalitaires pour tous les professionnels de santé », tempête à la tribune Frédéric Bizard, économiste de la santé à Sciences Po Paris.
Le Dr Jean Mané, président de l’URPS partage les craintes de ses confrères. Pour le médecin ORL, signer un quelconque contrat pour exercer dans le cadre d’un réseau mutualiste cloisonné, « c’est non ! ».
Certains médecins se disent en revanche prêts à négocier avec l’Union nationale des organismes complémentaires (UNOCAM), pour mieux sécuriser d’éventuelles transactions entre médecins et mutuelles, assureurs et institutions de prévoyance dans les territoires, notamment sur certaines spécialités (par exemple radiologie et chirurgie). « Contractualiser au niveau national permet de protéger les médecins et évite de tirer les tarifs et la qualité médicale vers le bas au niveau local », explique le Dr Patrick Gasser, président de l’UMESPE, branche spécialiste de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF).
Esprit d’entreprise
Les réseaux ne sont pas la seule source d’anxiété des professionnels. L’engouement des pouvoirs publics pour l’exercice regroupé en maisons et centres de santé en pétrifie plus d’un. Les professionnels isolés sont-ils les derniers des Mohicans de la pratique libérale ? Libéral, salarié, associé et collaborateur : une même carrière est désormais protéiforme et les praticiens doivent « s’adapter ».
« Le médecin libéral doit devenir un entrepreneur qui doit pouvoir contractualiser, insiste le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. Si nous ne réussissons pas ce défi, l’État ou le pouvoir financier le feront à notre place. »
Moins enthousiaste, le Dr Dominique Jeulin-Flamme, secrétaire général de l’URPS et membre du Syndicat des médecins libéraux (SML) pousse au « regroupement virtuel » en pôles plutôt qu’à l’exercice en structure unique, qui, paradoxalement, contribue à l’essor des déserts médicaux. Et d’argumenter : « Regrouper les médecins quelque part signifie les enlever ailleurs ».
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