Soins de ville, financement et régulation

Les recettes de la CNAM pour doper l'exercice coordonné

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Publié le 02/07/2021
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Dans son rapport « charges et produits » pour 2022, l'Assurance-maladie avance plusieurs propositions pour généraliser les organisations coordonnées en médecine de ville. Au menu : accélérateur de CPTS, financements mixtes incitatifs et pérennisation des expérimentations « article 51 ».
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Crédit photo : PHANIE

« Je veux que l'exercice isolé devienne progressivement marginal, devienne l'aberration et puisse disparaître à l'horizon de janvier 2022. » Bientôt quatre ans après cette déclaration d'Emmanuel Macron, la CNAM dresse un bilan d'étape et livre, dans son dernier rapport dit « charges et produits », des pistes pour diffuser partout les organisations coordonnées des professionnels de santé en ville.

Depuis 2018, le vœu présidentiel a fait son chemin, souligne la CNAM. Selon une étude de la DREES (ministère), 61 % des médecins généralistes exerçaient en groupe fin 2019, soit sept points de plus qu'en 2010. Et c'est le cas de 80 % des généralistes libéraux de moins de 50 ans ! De surcroît, la CNAM dénombre à ce jour 1 168 maisons de santé pluriprofessionnelles signataires de l'accord-conventionnel interpro (sur 1 600 MSP en fonctionnement) et 2 496 centres de santé polyvalents, médicaux, dentaires ou infirmiers. La caisse affiche aussi 131 contrats « signés » de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) au 17 juin 2021 (pour 12 millions de personnes couvertes – chaque pool de libéraux gérant en moyenne 93 000 patients). 

Lever les blocages

Pour autant, le « charges et produits » millésime 2022 – qui se veut aussi une mine de recommandations pour inspirer le prochain budget de la Sécu – incite à aller « plus vite, plus loin et plus fort ». Non seulement la crise sanitaire a démontré tout l'intérêt de la coopération interpro – les CPTS ont fait leurs preuves pour animer très rapidement des centres Covid, travailler avec les collectivités ou avec les EHPAD – mais l'exercice en équipe rend les métiers plus attractifs auprès des jeunes et facilite les réponses à la désertification médicale notamment en favorisant le recours à la télémédecine.

Aussi la CNAM veut-elle, à la faveur des négociations en cours, déployer un « accélérateur CPTS » qui consistera à mettre en place des « ateliers collaboratifs » pour résoudre les « situations de blocage » et, si besoin, « construire un plan d'actions » avec l'équipe leader de la communauté. Le rapport propose aussi d'octroyer un « financement additionnel » pour aider ces groupements de libéraux à se lancer dès la signature du contrat avec la Sécu (la phase de démarrage étant la plus délicate).

S'agissant de toutes les formes d'exercice coordonné (CPTS, MSP, pôles de santé, équipes de soins primaires, équipes de soins spécialisés, etc.), il est suggéré de « valoriser » leur implication dans la crise sanitaire, leur accompagnement des publics vulnérables (bonus gradués selon l'atteinte de niveaux) et de favoriser l'action transversale sur la prise en charge du handicap, en lien avec le médico-social. La CNAM confirme au passage sa volonté de lancer des expérimentations sur les équipes de soins – primaires et secondaires – dans plusieurs départements et/ou régions afin de tester le cadre et le financement de ce premier échelon de coordination avant généralisation. Reste à savoir quel sera le formalisme de ces équipes de soins.  

Paiements combinés et modulables

Pour accélérer cette dynamique collégiale, la CNAM plaide en faveur d'une adaptation des financements à l'exercice coordonné. Sans prôner l'arrêt du paiement à l'acte ni la généralisation de systèmes forfaitaires, celle-ci envisage « une palette de modes de paiements » afin d'encourager les acteurs à « faire évoluer leurs organisations et leurs pratiques selon leurs souhaits, leur maturité et le contexte dans lequel ils exercent ». Un système modulable où la coordination sera valorisée. 

Pour concrétiser cet objectif, le rapport recommande de faire passer dans le droit commun plusieurs expérimentations menées au titre de l'article 51 de la loi Sécu 2018. Ce texte sur l'innovation en santé permet de s'affranchir du cadre réglementaire pour tester de nouvelles formes dérogatoires d'organisation et de rémunération. Deux expérimentations prometteuses attirent particulièrement l'attention de la CNAM : l'IPEP (incitation à la prise en charge partagée) qui repose sur un « intéressement collectif » versé à une organisation pluripro sur la base d'objectifs de qualité et d'efficience ; et le PEPS (paiement en équipe de professionnels de santé en ville) qui instaure un « forfait collectif, substitutif à l'acte », défini en fonction de la patientèle, pour une équipe de soignants.

Pour la CNAM, l'extension progressive de ces nouveaux modes de financement (à la qualité, au forfait, au parcours, sur une base populationnelle) passe par leur intégration dans le cadre conventionnel. Il convient « d'inciter les acteurs à s'organiser à un niveau territorial, plaide le rapport, pour poursuivre collectivement un objectif partagé de qualité et d'efficience »

Martin Dumas Primbault

Source : Le Quotidien du médecin