Contractualiser avec les complémentaires santé, un danger ?

Les réseaux de soins continuent d’inquiéter les médecins

Publié le 26/11/2015
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Les médecins sont pour l’heure exclus des réseaux de soins.

Mais ces dernières semaines, des assureurs et des mutuelles sont à nouveau passés à l’offensive en suggérant l’implication volontaire des médecins libéraux dans les réseaux de soins, aujourd’hui uniquement ouverts aux chirurgiens-dentistes, opticiens et audioprothésistes. Cette perspective ne manque pas d’interpeller la profession. Une trentaine de praticiens ont récemment pris part à Lyon un colloque organisé sur ce sujet par l’Union régionale des professionnels de santé (URPS médecins) de Rhône-Alpes. Le Dr Patrick Carlioz, élu de l’Union et membre de l’académie de chirurgie, a mis en perspective le débat, qui s’est tenu au moment même où le Parlement examinait le projet de loi de santé dont certains articles vont permettre une plus grande ouverture aux données de santé, et font craindre leur diffusion aux acteurs privés, une perte du secret médical et de l’indépendance du médecin.

Changement de modèle

« L’organisation du système de santé est en train d’évoluer, ne serait-ce qu’en raison des 45 milliards d’euros qui seront nécessaires chaque année pour financer les affections de longue durée (ALD) et les maladies chroniques », a déclaré Christophe Jacquinet, président de Santéliance Conseil. L’ancien directeur de l’ARS Rhône-Alpes a cité la compagnie d’assurance Axa, qui selon lui se substitue pour partie à l’assurance-maladie, avec des médecins salariés et un réseau de soin intégré. Le système de soins actuel hybride (mi-public, mi-privé) tendra à basculer au profit des assureurs privés, et à plus forte raison à partir du 1er janvier prochain avec l’obligation pour toutes les entreprises de proposer une mutuelle à leurs employés. « Cette évolution souligne l’échec de notre système collectif, affirme Christophe Jacquinet. Allons-nous passer à un financement par les mutuelles privées ? »

Selon Frédéric Bizard, économiste de la santé et professeur à Sciences Po Paris, trop de pouvoir a été donné aux organismes complémentaires dans la gouvernance du système de santé, alors qu’ils n’ont pas, selon lui, de « compétence médicale ».

Invités à participer au débat, les praticiens ont exprimé des avis tranchés. « Notre premier réseau de soins reste l’assurance-maladie, qui nous donne des règles, or dans le cas des réseaux de soins ce sont les établissements qui signent et non le praticien », lâche un anesthésiste-réanimateur de la clinique du Val d’Ouest. Un confrère approuve : « C’est un déni démocratique, un pousse-au-crime. La meilleure façon de sortir des réseaux, c’est encore de ne pas y entrer ! »

Guillaume Bouvy

Source : Le Quotidien du Médecin: 9453