IVG médicamenteuse

L’expérience de généralistes marseillais

Publié le 10/05/2012
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« LA PRATIQUE de l’IVG médicamenteuse en ville s’adresse à des médecins qui doivent être formés, mais aussi motivés. Cela nécessite quand même un certain engagement », explique le Dr Jean-Paul Lapierre, médecin généraliste à Marseille et secrétaire du réseau Interruption Volontaire de Grossesse En Ville (IVGEV13).

C’est en 2009 qu’a été créé ce réseau marseillais, mis en place sur le modèle du réseau REVHO (Réseau entre la ville et l’hôpital pour l’orthogénie) fondé en 2004 en Ile-de-France. L’objectif de ces structures est de favoriser le rapprochement entre les praticiens hospitaliers et ceux de ville pour faciliter l’accès des femmes à une IVG médicamenteuse, en dehors d’un établissement de santé. Le réseau marseillais a été fondé à l’initiative de trois généralistes attachés dans le service de gynécologie sociale du Pr Aubert Agostini à l’hôpital de la Conception (Marseille) : le Dr Riad Mimari (président de l’IVGEV13), le Dr Jean-Paul Lapierre (secrétaire) et le Dr Pascale Roblin (trésorière).

C’est la loi du 4 juillet 2001, complétée par un décret et un arrêté de juillet 2004, puis une circulaire du 26 novembre 2004 qui a permis la pratique de l’interruption de grossesse médicamenteuse en ville. « Cette pratique est autorisée pour les gynécologues et les généralistes ayant une expérience professionnelle dans le domaine de l’avortement. C’est le cas notamment des généralistes qui travaillent ou ont déjà travaillé dans des centres d’orthogénie », indique le Dr Lapierre, en ajoutant que le réseau IVGEV13 assure régulièrement des formations de médecins libéraux grâce à un financement de l’Agence régionale de santé (ARS) et une participation de l’URML (Union régionale des médecins libéraux). « Nous avons d’abord bien sûr formé des généralistes sur Marseille : aujourd’hui, environ une vingtaine d’entre eux font des IVG médicamenteuses sur la ville (plus de 700 en 2011). Nous avons aussi assuré des formations de médecins exerçant dans les Alpes de Haute-Provence et les Hautes-Alpes. Prochainement, ce sera le tour de médecins du Var et du pays d’Aix », détaille le Dr Lapierre, en précisant que cette pratique de l’IVG médicamenteuse en ville ne peut être réalisée que par le biais d’une convention conclue entre le praticien libéral et un établissement de santé.

Désengorger les consultations hospitalières.

Selon le Dr Lapierre, l’extension de l’IVG médicamenteuse en ville permet d’abord de raccourcir les délais de rendez-vous pour les femmes et de désengorger les consultations hospitalières. « Les femmes nous sont adressées par le bouche-à-oreille, les hôpitaux, les centres de PMI ou le planning familial qui dispose d’un numéro vert d’information et qui a une liste de médecins ayant accepté qu’on donne leur numéro. Cela n’est pas le cas de tout le monde. Certains médecins de ville font des IVG médicamenteuses, mais uniquement avec leur patientèle habituelle », indique le Dr Lapierre.

Les femmes, qui s’adressent à un généraliste en ville, le font souvent pour des raisons de proximité, d’intimité ou pour une plus grande confidentialité. « Le plus important est que les femmes puissent avoir le choix. Certaines vont préférer l’hôpital car elles vont s’y sentir davantage en sécurité. Dans le cas d’une IVG médicamenteuse, l’hôpital garde les patientes durant trois heures, mais il faut reconnaître qu’une fois sur trois environ, l’expulsion n’a pas lieu durant ces trois heures. Elle a lieu au domicile de la patiente », souligne le Dr Lapierre, en rappelant que l’IVG médicamenteuse en ville s’adresse uniquement aux femmes n’ayant pas dépassé sept semaines d’aménorrhée, l’hôpital pouvant la pratiquer jusqu’à neuf semaines d’aménorrhée.

Quatre consultations.

Pour assurer une IVG médicamenteuse, le médecin perçoit un forfait de 191,74 euros. « Pour les femmes ayant la Sécurité sociale et une mutuelle, le remboursement est intégral. De notre côté, ce forfait couvre d’abord le coût des médicaments, soit 91,74 euros, que nous devons acheter nous-même en pharmacie. Les 100 euros restant couvrent les quatre consultations prévues dans le cadre de cette prise en charge », explique le Dr Lapierre.

La toute première consultation, lors de laquelle la femme vient faire part de sa demande d’IVG au médecin, n’est pas incluse dans ce forfait. C’est alors l’occasion pour le praticien d’informer la patiente et de faire des examens nécessaires. Lors du rendez-vous suivant, deux consultations ont lieu dans la foulée. « La première vise à recueillir le consentement de la patiente. La deuxième permet la remise des médicaments à la patiente qui prend alors le premier médicament en présence du médecin. Lors de la troisième consultation, nous donnons le deuxième médicament qui, conformément aux recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) de 2010, n’est pas pris au cabinet du médecin, mais au domicile de la patiente. En effet, ce médicament peut déclencher l’expulsion au bout de dix minutes ou un quart d’heure. Enfin, 15 à 20 jours après, nous faisons une quatrième consultation de contrôle pour s’assurer que l’interruption de la grossesse est effective. Car il faut savoir qu’avec l’IVG médicamenteuse, nous n’avons pas toujours 100 % de réussite. Cette quatrième consultation est aussi l’occasion de refaire le point avec la femme sur sa contraception », indique le Dr Lapierre.

D’après un entretien avec le Dr Jean-Paul Lapierre, médecin généraliste à Marseille et secrétaire du réseau Interruption Volontaire de Grossesse En Ville (IVGEV13).

 ANTOINE DALAT

Source : Bilan spécialistes