Les praticiens transalpins victimes de la judiciarisation ?

L’Italie s’attaque à la médecine défensive

Publié le 29/10/2015
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Crédit photo : AFP

13 milliards d’euros : tel est le coût auquel s’élèverait chaque année la médecine défensive en Italie, selon un rapport de l’association des chirurgiens hospitaliers (ACOI). L’addition est aujourd’hui jugée trop salée par le gouvernement transalpin, pour un système de santé dont les comptes sont plombés.

Afin d’enrayer l’hémorragie, la ministre de la Santé Beatrice Lorenzin a préparé un décret visant à interdire aux médecins de prescrire des examens « inutiles » et prescrits à titre de précaution pour éviter d’être traînés devant les tribunaux. Les docteurs qui continueront à rédiger des « ordonnances inappropriées » s’exposent à des sanctions financières. De quoi faire sursauter les syndicats de médecins qui parlent déjà de mobilisation au niveau national dans les prochains jours.

Ces coupes concernent 208 examens sur un total de 1 700 pris en charge par la Sécurité sociale italienne et devraient permettre d’économiser 7 milliards d’euros d’ici 2017. À titre d’exemple, l’examen du cholestérol sera réservé aux personnes de plus de quarante ans avec des antécédents familiaux. En l’absence de valeurs élevées du taux de cholestérol, les examens en laboratoire ne pourront pas être effectués avant une période de cinq ans. Le scénario est identique pour l’albumine, les tests sur les allergies, les prélèvements de villosités choriales (sauf pour les femmes enceintes à risque), les scanners aux jambes et bras, les IRM sur la colonne vertébrale sauf pour détecter une éventuelle tumeur ou en cas de traumatisme après un accident. « Le ministère veut se substituer aux médecins et nous dire ce que nous devons faire sans tenir compte des besoins du patient, c’est absurde », assène le Dr Alessandro Sabatini,médecin de famille à Rome.

Branle-bas de combat

Les principaux syndicats de médecins comme Anaao, Fp-Cgil, ou Fimmg, ont rencontré la ministre de la Santé pour contester ce dispositif qui n’a fait l’objet d’aucune concertation. « Le ministère veut privatiser la Santé. Il vaut mieux prescrire un examen qui s’avérera inutile que de prendre des risques sur la peau des patients », s’énerve le Dr Gianfranco Fiani, médecin hospitalier. « Ce décret est un non-sens et nous répondrons par un mouvement de grève au niveau national. Les politiciens ne peuvent pas trancher sur la qualité et le type d’examens prescrits par les médecins », enchérit le Dr Costantino Troise, secrétaire de Anaao, le premier syndicat de médecins hospitaliers italiens. Pour sa part, la Fp-Cgil estime que ce décret risque d’altérer la relation de confiance entre médecins et patients. « L’application de sanctions financières aux médecins qui prescriront des examens soi-disant inutiles est inacceptable », affirme Massimo Cozza, secrétaire de ce syndicat. Les syndicats devaient rencontrer le ministère de la Santé pour tenter de trouver une sortie de crise.

De notre correspondante Ariel F. Dumont à Rome

Source : Le Quotidien du Médecin: 9445