Non au statut unique du praticien : 11 femmes médecins répliquent… à 11 hommes

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Publié le 11/04/2018

Elles sont onze femmes médecins, « praticiennes de terrain universitaires ou non, spécialistes ou généralistes, exerçant en ville ou à l'hôpital, réparties sur le territoire et d'exercice variés » à signer une « tribune féminine » dont le but est double : s'opposer à la création d'un statut unique pour tous les médecins défendu la semaine dernière par onze signataires d'un texte publié par « APM News » ; rendre la monnaie de sa pièce au « groupe très masculin »  auteur de cette proposition. 

La plupart des onze femmes signataires de ce texte sont connues du monde syndical et hospitalier. On retrouve notamment les Drs Nicole Smolski, jeune retraitée des Hospices civils de Lyon (HCL) mais membre très actif du SNPHARe et d'APH, deux centrales de praticiens hospitaliers (PH), Hélène Colombani, présidente de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS), Anne Gervais, membre du Mouvement de défense de l’hôpital public (MDPH) et PH à Bichat (AP-HP) ou encore le Pr Nelly Frydman, responsable de l'unité de biologie de la reproduction de l'hôpital Antoine-Béclère (AP-HP).

Hôpital et ville ne sont pas des « ennemis quasi irréductibles »

Elles répondent donc à onze hommes également connus du sérail – dont l'ancien ministre de la Santé Claude Evin, le Pr Guy Vallancien, membre de l'Académie de médecine, le président de l'ISNI Olivier Le Pennetier, les Drs Jean-Paul Ortiz et Patrick Gasser de la CSMF. Ces derniers préconisent un statut unique « mixte » inspiré des modèles étrangers qui serait « en même temps salarié et en même temps libéral »  et permettrait aux médecins d'exercer « indifféremment à la ville ou en établissement où ils [auraient] un statut de prestataires »

Pour les onze femmes médecins, cette analyse est biaisée à partir du moment où elle part du principe qu'hôpital public et ville sont des « ennemis quasi irréductibles », selon les propos utilisés par Claude Evin et les autres signataires masculins. «Les deux exercices médicaux, hospitaliers et ville, ne sont pas en concurrence. Nous partageons les mêmes valeurs, et, au quotidien, nous voyons les mêmes malades », écrivent-elles. Elles insistent : « Des dysfonctionnements existent mais aucun argument ne prouve que les statuts soient en cause. […] Quels arguments pour faire porter à la différence de statut un putatif antagonisme de classe? Des études françaises, étrangères ou des convictions ? »

Ces femmes médecins identifient en revanche l’absence de dossier partagé et la « perte d’informations » médicales comme des freins au travail en commun entre la ville et l'hôpital. 

Ne pas verser dans la caricature

Avocates de la différence entre exercice hospitalier, salarié (en centres de santé) et libéral, les auteures refusent de tomber dans la caricature : la médecine de ville « est choisi[e] non pour le risque et l’argent mais pour l’indépendance professionnelle. Les autres, salariées, n’ont pas que la sécurité de l’emploi mais aussi les contraintes horaires, la permanence des soins, la disponibilité permanente. Et la sécurité de l’emploi n’implique pas un pantouflage médiocre ».

Elles rejettent avec force l'idée de prestation de services : « Nous ne souhaitons pas un statut de prestataire se vendant au plus offrant. La coopération existe, les passerelles sont indispensables, les échanges vitaux, la collaboration obligatoire. L’évolution de notre système de santé nécessite plus de débat et moins de postulats. »

Et de conclure : « Plus que s’attaquer par idéologie à des statuts hospitaliers, de rêver de transformer en entreprise privée les hôpitaux publics, l’urgence est de construire une offre de soins de proximité en évitant un modèle à deux vitesses avec des prestations low cost  et d’autres surfacturées ».

En 2017, l'exercice mixte représente 10,7 % de l’ensemble des actifs réguliers au tableau de l'Ordre (CNOM) – soit 21 000 médecins. Un chiffre en augmentation de 9,7 % sur la période 2007-2017. 


Source : lequotidiendumedecin.fr