Un OVNI littéraire sur la désertification médicale

Omnipraticien sacré Graal

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Publié le 20/04/2017
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C'est un livre qui défie toute description. À mi-chemin entre l'essai, l'enquête, le roman, le pamphlet, et le pastiche d'œuvres historiques (Hugo, La Fontaine, Shakespeare, Prévert, Tchekhov ou Ionesco sont appelés à la rescousse), le dernier ouvrage du Dr Didier Nakache, « Que sont nos médecins devenus ? Enquête sur la désertification médicale », (Olten Galen Éditions), se range résolument dans la catégorie des OVNI éditoriaux.

Généraliste écrivain, Didier Nakache a déjà commis « Comment choisir son docteur tout en ménageant sa santé » (Ed. La Découverte). Dans son dernier ouvrage, l'auteur (ou les auteurs, car le doute est savamment entretenu), entouré de son éditrice et des enfants de cette dernière (mais est-ce seulement son éditrice ?), part à la recherche d'une espèce menacée, le « médecin de première ligne, tout à la fois sauveur et prêtre, utopique et joignable, surhomme au désespoir funeste ».

De ce médecin de premier recours dont il conte le déclin et théorise la raréfaction (« les jeunes n'y connaissent rien par manque d'expérience, et les vieux par manque de mise à niveau »), Didier Nakache fait une sorte de Graal introuvable, qu'il va pister à travers les siècles et les continents. Le lecteur se laissera embarquer dans ce voyage onirique qui le mènera de la cordillère des Andes au Danemark, et de la Californie aux rives du lac Léman, à la recherche d'un improbable omnipraticien idéal.

Didier Nakache sait fort bien manier la polémique. Pour lui, la charte de la médecine libérale de 1927 « prête à sourire tant elle a été dévoyée, détournée, oubliée par ceux qui la combattent avec la complicité passive de ses défenseurs officiels ». La fable de La Fontaine intitulée « Le loup et le chien » ? est à ses yeux l'illustration parfaite du médecin en secteur trois (le loup qui garde sa liberté) et du médecin conventionné (le chien domestique marqué de l'indélébile empreinte du collier qui l'asservit).

L'auteur s'amuse ensuite à comparer le généraliste à un décathlonien, et le spécialiste à un sprinter : « le décathlonien est probablement un athlète plus complet que le sprinter, fixé sur un seul objectif, analyse-t-il. Mais à qui croyez-vous que la gloire revient ? Tout le monde a connu plusieurs sprinters renommés, mais qui peut se vanter de citer un seul décathlonien ? »

N'attendez cependant pas de ce livre, centré sur les raisons de la crise de la médecine générale, qu'il y apporte des solutions. Avec la loi Debré de 1958, diagnostique-il, « on est passé à un hospitalocentrisme qui a déconnecté l'hôpital des réalités de terrain et écorné l'image du médecin libéral de base, le généraliste ». Voilà pour une partie de l'examen clinique. Le traitement sera abordé dans un second opus dont Didier Nakache a déjà rédigé une bonne part. « Ce sera loufoque et logique », prévient-il.


Source : Le Quotidien du médecin: 9574