Partage d'actes, accès direct : l'Ordre se défend de vouloir remplacer le médecin traitant

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Publié le 24/11/2022

Crédit photo : Loan Tranthimy

Il y a comme un coup de froid entre les Ordres professionnels sur la question du parcours de soins et des délégations de tâches. Devant la presse ce jeudi, l'Ordre national des médecins (Cnom) a tenu à clarifier sa position prise au sein du comité inter-Ordres (Clio), qui rassemble sept professions de santé (médecins, infirmiers, sages-femmes, kinés, pharmaciens, dentistes et podologues). Un compromis ordinal qui a aussitôt jeté le trouble dans le corps médical en évoquant ouvertement les partages d'actes des médecins vers d'autres professionnels (infirmiers, kinés, pharmaciens…) voire une orientation par ces derniers du patient (en l'absence de médecin traitant). 

L'Ordre des médecins s'est donc employé aujourd'hui à déminer le terrain. Face aux difficultés d'accès aux soins, « les médecins doivent se mobiliser pour proposer des solutions mais les solutions sont autour du médecin, qui est central dans l'accès aux soins, en particulier dans le diagnostic et la prescription », a recadré son président, l'ORL François Arnault. Que les choses soient claires : l'Ordre des médecins « ne s'est jamais engagé avec les autres Ordres pour organiser le remplacement du médecin par un autre professionnel de santé », a-t-il poursuivi. « Le médecin est central. L'entrée dans le soin doit obligatoirement permettre aux patients d'être examinés par un médecin », a-t-il martelé.

Non à l'accès direct aux infirmiers

La prise de parole du Cnom s'apparente donc – au minimum – à un recul après la publication de l'accord signé au sein du Clio. Dans ce texte, les ordinaux invitaient littéralement à « développer dans chaque territoire les partages d’actes et d’activités des médecins vers les professionnels de santé exerçant au sein d’équipes de soins primaires et de proximité » pour dégager du temps médical supplémentaire.

Et dans les territoires sans médecin traitant, les Ordres suggéraient de « confier aux autres professionnels de santé une mission en termes d’orientation du patient dans le système de santé, en assurant une première prise en charge, et en organisant avec les autres acteurs du territoire, l’orientation vers un médecin traitant ». MG France avait dénoncé le risque de « vente à la découpe » de certaines missions du médecin traitant tandis que la branche généraliste de la CSMF avait pointé la « disparition » de ce dernier.  

Si le Cnom marque son terrain, c'est aussi en raison de la partition jouée un peu trop fort par l'Ordre national des infirmiers. Ce dernier réclame ouvertement un élargissement des compétences, une série de consultations en « accès direct » et une autonomie renforcée de la profession infirmière, jusqu'à des « infirmiers référents » capables d’adresser les patients vers d’autres professionnels de santé.

Le diagnostic, c'est le médecin

Face à cette pression, le Cnom n'a pas caché son incompréhension. « Dans l'accord du Clio, il n'est pas dit que l'infirmier ou le kiné doive prendre en charge le patient en accès direct. Je ne suis pas d'accord. L'infirmier est-il formé pour dire qu'une douleur au bras gauche est liée à un problème mécanique ou autre ? Il n'a pas été formé pour le dire et ce n'est pas bien de le lui demander de le faire », a prévenu le patron du Cnom. À ses côtés, le Dr René-Pierre Labarrière (section exercice du Cnom) enfonce le clou. « Le diagnostic, c'est le médecin. Et c'est compliqué même après 10 ans d'études ! ». Pour la Dr Claire Siret (section santé publique), « c'est une énorme responsabilité qu'on donnerait aux infirmiers ». 

En revanche, dans les zones déficitaires, admet le Dr Arnault, les médecins doivent se « mobiliser » pour s'organiser en équipe avec les autres professionnels de santé afin de libérer du temps médical. « Qu'il y ait des délégations de tâches, oui et cela se fait déjà, mais dans une équipe de soins coordonnés. On doit garantir aux patients une prise en charge sans perte de chance. »

Après ce recadrage, le Dr Arnault affirme ne pas vouloir claquer la porte du Clio, instance où les différents Ordres discutent et se concertent. « Cela reste nécessaire… pour travailler sur d'autres sujets », dit-il. À l'approche de la grève des cabinets libéraux les 1er et 2 décembre, l'ORL soutient la profession dans ses actions, y compris « la demande de mise à niveau nécessaire de la rémunération ».


Source : lequotidiendumedecin.fr