Trois piliers pour une révolution

Publié le 15/09/2009
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TROP de paperasses, trop de charges, trop de contraintes appliqués à des médecins mal préparés et trop seuls. De nombreux ingrédients entrent dans la composition du cocktail du désamour des médecins pour l’exercice libéral. En voici trois principaux.

• Difficultés et contraintes de l’exercice libéral

«  Les tracasseries des caisses, c’est comme les vagues qui minent la falaise. C’est a priori sans conséquences, jusqu’au jour où la falaise tout entière s’écroule dans la mer.  » Parole de médecin aussi anonyme que désabusé, qui illustre bien le malaise ressenti par une bonne part des praticiens déjà installés, pour qui l’éventualité de dévisser leur plaque n’est plus un sujet tabou.

Quand on est au tout début de sa carrière, et qu’on n’est encore pas installé, les avis ne diffèrent guère. Pour Youcha Hassan, président du SNJMG (Syndicat national des jeunes médecins généralistes), les inconvénients apparents de l’exercice libéral peuvent en décourager plus d’un : «  Toute la paperasse fait peur à l’avance. On n’y comprend rien, il y a plein de calculs hypercompliqués à effectuer pour payer de nombreuses cotisations, il faut télétransmettre des feuilles de soins pénibles à remplir. Peu de médecins ont envie de commencer leur carrière noyés sous ces contraintes administratives  ». D’autant moins, ajoute-t-il, que si les études médicales ont progressé sur cette question, elles continuent à mal préparer à l’exercice libéral : «  Nous manquons de maîtres de stage, il faudrait que chaque étudiant désireux de s’installer plus tard puisse au moins effectuer trois stages en médecine générale durant son cursus.  » Un point de vue relativement partagé par Bastien Balouet, président de l’ISNAR-IMG (qui représente les internes en médecine générale) : «  Rien dans nos études ne nous prépare à ces tâches administratives. En plus, ce n’est vraiment pas pour ça qu’on a fait médecine  ».

Charles-François Cuisigniez, président de la CSMF-Jeunes médecins, va plus loin : «  Ce n’est pas l’exercice libéral que les jeunes fuient, mais les contraintes. Regardons les statistiques. Le nombre de médecins salariés est seulement en très légère hausse ; le nombre de libéraux installés baisse, c’est vrai, mais le nombre de remplaçants est pour sa part en très forte hausse, car c’est très confortable  : vous avez les avantages du libéral sans les contraintes.  »

• La peur de l’exercice isolé

«  L’exercice isolé, c’est fini, s’exclame Bastien Balouet. Vous trouverez toujours un ou deux médecins pour aimer exercer là où il n’y a plus rien, mais la nouvelle génération aspire à un exercice en groupe, moins contraignant et plus enrichissant professionnellement ». Pour le patron de l’ISNAR, C’est la raison pour laquelle les MSP (maisons de santé pluridisciplinaires, dans lesquels travaillent ensemble des généralistes, des spécialistes et divers autres professionnels de santé) sont plébiscitées par les jeunes, car «  elles permettent de concilier exigence professionnelle et qualité de vie personnelle ». Mais si ce type de structure est dans l’air du temps (le ministère de la Santé aide à leur création), leur nombre reste encore assez peu élevé au regard des besoins, notamment en zones rurales. Si bien que les jeunes diplômés optent parfois pour leur équivalent salarié : les centres de santé. Selon Bastien Balouet, «  ces centres de santé n’ont aucun mal à recruter. Pour un poste qui se libère, ils reçoivent des dizaines de candidatures. »

• Les sirènes du salariat

Tous les témoignages sur l’attrait du salariat concordent peu ou prou, signe d’une modification profonde des mentalités. «  Le premier problème, explique Youcha Hassan, c’est la dévalorisation de la médecine générale, traitée comme une sous-spécialité  ». Si bien qu’en comparaison, le salariat devient plus attractif. Et Youcha Hassan semble comprendre que certains cèdent à ses sirènes : «  En exercice salarié, le médecin ne dispose pas de la même liberté qu’en libéral, mais il s’y résigne d’autant plus facilement qu’il y bénéficie d’un temps de travail limité et de vacances. En plus, il y court beaucoup moins de risques professionnels.  » Charles-François Cuisigniez fait la synthèse : «  Les jeunes veulent travailler moins et avoir plus de temps libre. Ils veulent aussi moins de contraintes et de gardes. Le salariat répond mieux à ces aspirations que l’exercice libéral  ». Mais à l’ISNAR, Bastien Balouet réfute l’idée que les jeunes diplômés se tournent vers le salariat uniquement parce que l’exercice libéral fait moins recette : «  On n’exerce pas la médecine en tant que salarié uniquement parce qu’on ne veut pas exercer comme libéral. Pour travailler comme salarié, il faut tout autant aimer ce qu’on fait qu’un généraliste installé  ».

 HENRI DE SAINT ROMAN

Source : lequotidiendumedecin.fr